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tante, Mme Caroline Saujon, laquelle eût souhaité faire de lui un médecin, afin de pouvoir dorloter, sous une direction savante et toujours à sa portée, ses innombrables maux imaginaires, Pierre se disposait tout simplement à soigner son vignoble, fort compromis, à en juger par les dernières récoltes.

C’était de quoi l’occuper, d’autant qu’il aurait la charge de reconstituer, en même temps que les siennes, les vignes de son oncle, celui-ci étant depuis de longues années cloué sur son fauteuil par la paralysie, et incapable d’exercer la moindre surveillance.

Quelle vie serait la sienne entre le bonnet violet, le nez pointu, la voix aigre de sa tante et le pauvre infirme que toute sa pitié, toute sa tendresse ne rendraient guère plus heureux, car, pour ce faire, il eût fallu le débarrasser de son mal ou de sa femme… le jeune homme ne se le demandait point. À quoi bon chercher à prévoir les mauvais côtés de l’inévitable ? Son énergie, sa volonté calme viendraient peut-être bien à bout des difficultés journalières : ce qu’il savait, c’est qu’il ne se déroberait point à l’engagement pris.

Lorsqu’il avait promis à son oncle, Charles Saujon, de se fixer auprès de lui, les circonstances étaient autres, il est vrai : Mme Marcenay vivait encore. Depuis son veuvage, elle avait repris sa place dans la vieille maison familiale et, malgré l’humeur acariâtre de