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LA GRANDE FORÊT — Il faut l’entraîner malgré lui !... ajouta John Cort. — Trop tard », répondit Khamis. Trop tard, en effet. Dans un dernier craque­ ment le tamarin venait de se briser, et il s’abattit au bas du tertre. Ce que devint le Portugais, ses compagnons ne purent le voir ; mais ses cris indiquaient qu’il se débattait sous les pieds des éléphants, et, comme ils cessèrent presque aussitôt, c’est que tout était fini : « Le malheureux !., le mal­ heureux ! murmura John Cort. — A notre tour bientôt... dit Khamis. — Ce serait regrettable ! répliqua froidement Max Huber. — Encore une fois, cher ami, je suis bien de votre avis », déclara John Cort. Que faire ?... Les éléphants, piétinant le tertre, secouaient les autres arbres, agités comme sous les souffles d’un ouragan. L’horrible fin d’Urdax n’était-elle pas réservée à ceux qui lui auraient survécu quelques minutes à peine ?... Voyaient-ils la possibilité d’abandonner le tamarin avant sa chute ?... Et, s’ils se ris­ quaient à descendre, pour gagner la plaine, échapperaient-ils à la pour­ suite de cette harde ?... Auraient-ils le temps d’atteindre la forêt ?... Et d’ailleurs, leur offrirait-elle toute sécurité ?... Si les éléphants ne les y poursuivaient pas, ne leur auraient-ils échappé que pour tomber au pouvoir d’indi­ gènes non moins féroces ?... Cependant, que l’occasion se présentât de chercher refuge dans la forêt, il faudrait en profiter sans une hésitation. La raison com­ mandait de préférer un danger non certain à un danger certain. L’arbre continuait à osciller, et, dans une

de ces oscillations, plusieurs trompes purent accrocher ses branches inférieures. Le fore­ loper et ses deux compagnons furent sur le point de lAclior prise, tant les secousses de­

vinrent violentes. Max Huber, craignant pour Llanga, le serrait de son bras gauche, tandis qu’il se retenait du bras droit. Avant de très courts instants, ou les racines auraient cédé, ou le tronc serait brisé à sa base... Et la chute du tamarin, c’était la mort de ceux qui s’étaient réfugiés entre ses branches, l’épouvantable écrasement du Portugais Urdax... Sous de plus rudes et de plus fréquentes poussées, les racines cédèrent enfin, le sol se souleva, et l’arbre se coucha plutôt qu’il ne s’abattit le long du tertre. « A la forêt... à la forêt !... » cria Khamis.