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Aller à Beau-Soleil avec l’autorisation de la vieille demoiselle qui, deux mois auparavant, ne lui permettait pas de parler à ses cousins et lui interdisait même de voir Nadine !… quel rêve étonnant et heureux !

Pourtant, devant la grille blanche, elle s’arrêta interdite : à travers les barreaux elle venait d’apercevoir le visage rond et les yeux malveillants de Jacques, qui s’apprêtait à sortir, sa serviette d’écolier sous le bras :

« Que venez-vous faire ici ? lui demanda-t-il sans ôter son chapeau et d’un ton impoli.

— Je voudrais voir le cousin Honoré ou bien votre maman, si cela ne la dérange pas.

— Mère a justement une de ses grandes migraines qui durent au moins deux jours, elle ne reçoit personne ; papa est parti hier pour l’Italie en même temps que M.  et Mme Jouvenet, qui vont à San Remo.

— Alors, voulez-vous me dire comment va Norbert ? »

Jacques, dont l’amour-propre avait été froissé par la vaillante équipée de son frère et les compliments que celui-ci avait reçus, haussa les épaules :

« Ah ! oui, Norbert… parlons-en, il devient joliment intéressant depuis qu’il se bat contre des mendiants ! »

Les joues d’Irène s’empourprèrent

« Votre frère nous a bravement défendues ! dit-elle avec feu, vous devriez être fier !… Mais pourquoi n’est-il pas venu se faire panser par tante Dor ? Sa main lui fait donc bien mal ? »

Au lieu de répondre, le garçonnet, résolu à taquiner, fit entendre un petit sifflement moqueur et ouvrit la grille pour sortir ; Irène voulut entrer, il lui barra le chemin.

A. Mouans

(La suite prochainement.)


LES CHERCHEURS D’OR DE L’AFRIQUE AUSTRALE

COLETTE EN RHODESIA

(La guerre au Transvaal)

Par ANDRÉ LAURIE

IX

En chasse.


Il avait plu récemment, ce qui facilitait la poursuite parce que les traces de Goliath et celles de pieds d’homme étaient profondément imprimées dans le sol détrempé. Sur une distance de cinq à six kilomètres, on les reconnut aisément. Mais, au premier ruisseau qu’il fallut passer à gué, ces traces disparurent sur la rive opposée.

Une heure fut perdue à les rechercher sans résultat, à droite et à gauche. Puis, la nuit vint ; elle était sans lune : force fut d’ajourner les investigations au lendemain. À la lisière d’un petit bois, chacun mit pied à terre.

Le Guen ramassa des branches mortes et fit du feu. Autour de ce foyer improvisé, les six voyageurs s’assirent en cercle et Martine, ouvrant son sac de cuir, proposa de souper. Mais personne n’en éprouvait le besoin ou n’en avait la force. Une seule pensée dominait tous les cerveaux, étreignait tous les cœurs : celle de l’enfant ravie à la tendresse des siens et du bon Weber, entraîné à sa suite avec Goliath…

Car, plus le problème était creusé, plus tous s’accordaient à penser avec Colette que telle restait la seule explication possible du noir mystère. Quelqu’un avait été tenté par la proie qui s’offrait en Goliath chargé du canon, de l’affût et des obus ; quelqu’un avait voulu s’approprier cette proie et s’était servi de la fillette comme d’un appât pour se faire suivre par l’éléphant et sans doute aussi par M. Weber…

C’est pourquoi on retrouvait l’empreinte de son pied parmi les autres traces — preuve certaine qu’il était vivant, sinon libre — et