Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIII, 1901.pdf/228

Cette page n’est pas destinée à être corrigée.

LA GRANDE FORÊT

d’écume. De chaque côté, elles venaient se heurter contre une digue naturelle, et, à certains endroits, bondissaient par-dessus. C’était à la fois, le rapide au centre, la chute latéralement. Si le ra­ deau ne ralliait pas l’une des berges, si on ne parvenait pas à l’y fixer solidement, il serait entraîné et sc briserait contre le barrage, à moins qu’il ne chavirât dans le rapi de. Tou s ga rdé re n t leu r sangfroid. Il n’y avait pas un instant à perdre, car la vitesse du courant s’accentuait. « A la berge... à la berge ! » cria Khamis. Il était alors six heures et demie. Par ce temps brumeux, le crépuscule ne laissait déjà plus qu’une douteuse clarté, qui ne permettait guère de distinguer les objets. Cette difficulté, ajoutée tant d’autres, compliquait manœuvre pour atteindre berge. Ce fut en vain que Khamis essaya de diriger le radeau. Ses forces n’y suffisaient pas. Max Huber se joignit à lui. Il fallait, rien qu’avec la godille, résister au courant qui portait en droite ligne vers le milieu du barrage. A deux, ils obtinrent un certain résultat, et, sans doute, ils auraient réussi à sortir de cette dérive, lorsque, la godille s’étant rompue, le radeau reprit le fil du courant. « Soyons prêts à nous jeter sur les roches, avant d’être engagés dans le rapide... ccmmanda Khamis. — Pas autre chose à faire !» répondit John Cort. A tout ce bruit, Llanga venait de quitter le taud. Il regarda, il comprit le danger. Au lieu de songer à lui, il songea à l’autre, au petit, il

227

vint le prendre dans ses bras, et s’agenouilla à l’arrière. Une minute après, le radeau suivait la ligne médiane du rapide. Peut-être, après tout, ne

se heurterait-il pas au barrage et descen­ drait-il sans chavirer ?... Cette éventualité n’arriva pas. Ce fut contre un des rochers de gauche que le fragile appa­ reil buta avec une violence extrême. En vain Khamis et ses compagnons essayèrent-ils de s’accrocher au barrage, sur lequel ils par­ vinrent à lancer la caisse des cartouches, les armes, les ustensiles. Tous furent précipités dans le tourbillon à l’instant où s’écrasait le radeau, dont les débris s’en allèrent en aval au milieu des eaux mugissantes.