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LE GRAND TAMBOUR

Souvarna-Bahou avait pour lui une affection toute particulière.

« Eh bien, Kandou, lui dit-il, seras-tu plus ingénieux que tous mes sujets ici présents ?

— De quoi s’agit-il, Sire ?

— De m’apporter un tambour si grand et si sonore qu’il se fasse entendre à cent lieues à la ronde. L’inventeur deviendra après moi le plus puissant du royaume.

— Que Votre Majesté daigne me permettre une question ? dit Kandou.

— Parle.

— Dans quel but mon souverain désire-t-il un tel instrument ?

— Afin de porter dans tout le royaume la renommée de ma gloire et de ma grandeur. »

Kandou réfléchit un instant, le front incliné dans sa main.

Se redressant tout à coup, il avança jusqu’aux marches du trône, mit un genou en terre et dit :

« Sire, votre humble sujet croit pouvoir construire ce tambour, mais il en coûtera une fortune à Votre Majesté !

— À merveille ! »

Aussitôt Souvarna-Bahou ouvrit son trésor et remit à Kandou toutes les richesses qu’il contenait.

La foule, sur un signe du roi, s’écoula lentement ; les têtes se retournaient à chaque pas, les yeux ardents contemplaient les merveilleuses richesses dont Kandou allait disposer.

« Les dieux protègent notre souverain, dit un brahme à l’oreille de son voisin. La folie s’est emparée de son cerveau.

— Et la cupidité du cœur de Kandou, répondit le voisin. Le rusé Kandou va s’approprier le trésor et jamais le roi n’aura son tambour. Non, non, nul homme au monde ne peut construire un tambour dont la voix retentisse à cent lieues à la ronde. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Kandou réunit une nombreuse escorte de soldats armés.

Les caisses renfermant le trésor furent hissées sur un chariot, que l’escorte entoura et Kandou, monté sur son cheval de bataille, donna l’ordre de se mettre en marche.

En tête, un héraut allait sonnant de la trompe et criant :

« Aujourd’hui, le roi Souvarna-Bahou dont la bonté et la munificence égalent celles des dieux, répand ses bienfaits… il veut soulager tous ceux qu’accable l’infortune. Qu’ils accourent tous recueillir les dons de leur père et souverain. »

Une femme se présenta la première.

Elle tenait entre ses bras un tout petit enfant maigre et souffreteux… Leurs vêtements à tous deux étaient en lambeaux et les pieds nus de la mère saignaient, meurtris aux pierres du chemin.

Timide, la femme s’avança :

« Le roi, mon maître, voudra-t-il accorder un morceau de pain à la mère et à l’enfant affamés ?… Je suis seule, hélas ! pour nourrir mon fils… Jadis, mes bras étaient robustes, mais depuis des mois la fièvre me mine et m’empêche de travailler et de gagner notre pain. »

Kandou prit une bourse aux mailles de cuivre, il l’emplit de pièces d’or et la tendit à la mère en disant :

« Le Roi n’offre pas qu’un morceau de pain à ceux de ses sujets qui ne peuvent gagner leur vie. Voici pour toi et ton enfant. Quand tu auras recouvré la force, tu travailleras et, si tu deviens riche un jour, tu rendras cette somme à quelque mère indigente. »

La pauvre femme se jeta aux genoux de Kandou :

« Sois béni, dit-elle, pour ta généreuse bonté.

— Ne me remercie pas, dit vivement Kandou. Je ne fais qu’exécuter les ordres de notre père bien-aimé, du roi Souvarna-Bahou. »

Il s’éloigna pendant que la mère reconnaissante élevait son petit enfant pâle dans ses bras en invoquant les bénédictions du ciel sur le roi, son sauveur.

Plus loin, un vieillard débile reçut, au nom du souverain, de quoi pourvoir aux besoins de ses derniers jours.

Puis des cultivateurs ruinés par l’orage, des commerçants dévalisés par les bandits, des esclaves brutalisés par leur maître, tous les