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LA FOUX-AUX-ROSES

grand Riouffe s’en mêle… entends-tu sa voix enrouée ? il a perdu sans doute une partie.

— Non, ce n’est pas à ses camarades qu’il en a, regarde comme ils se démènent tous. »

Les enfants ayant accéléré le pas se trouvèrent bientôt en présence d’un groupe de jeunes gens qui avaient engagé une partie de boules sur un terrain ombragé de quelques arbres. Riouffe criait, mais ses compagnons faisaient chorus et s’agitaient avec des gestes de colère autour d’une bicyclette que son propriétaire cherchait vainement à leur disputer. On l’accablait de menaces et de reproches, tantôt en français, tantôt en provençal.

« Vauriens ! rendez-moi ma machine, disait-il d’une voix mal assurée.

— Nous ne sommes pas des voleurs, on va te la rendre, mon joli cœur, riposta Riouffe, mais avant il faut que je t’apprenne un peu la politesse. »

Il levait en parlant des poings si solides que son interlocuteur tournait déjà les talons pour s’enfuir lorsque Norbert vint se placer près de lui dans une attitude résolue.

« Té ! M. Norbert qui se mêle encore de nos affaires, exclama Riouffe mécontent.

— C’est fort heureux pour toi, Batitou[1] répondit le jeune garçon, car tu ferais encore une sottise comme celle qui t’a valu cette fameuse correction de ton père la semaine passée… et toi, Élie, quand je t’ai arraché aux garçons qui te battaient, tu les appelais lâches parce qu’ils étaient trois contre toi ; en ce moment vous êtes six contre un, ce n’est pas beau !

— Eh ! pécaïre, je n’ai pas fait grand’chose, moi, c’est Riouffe qui m’a dit de tenir cette machine-là, s’écria Élie.

— Oui, c’est moi, je ne crains pas de le dire, monsieur Brial, interrompit Batitou qui était le meneur de la bande ; pourquoi ce beau monsieur traverse-t-il notre jeu et lance-t-il des coups de pied à nos boules parce qu’elles le gênent pour repartir sur son vélocipède ?… il peut bien nous faire des excuses… Eh, mon bon, y sommes-nous ? » ajouta le joueur de boules narquois et avançant de trois pas vers le cycliste qui recula d’autant.

Il parut à Norbert que ce gentil garçon, dans son élégant costume, n’avait pas l’air très crâne, aussi ne put-il réprimer un sourire :

« Si vous désirez qu’il vous laisse tranquille,

  1. Baptiste.