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A. MOUANS

Myrtes, peut-être apercevrons-nous quelqu’un. »

À demi consolé par cette perspective, le petit paresseux suivit son frère.

Lorsqu’ils eurent disparu, Marthe se mit à penser tout haut :

« Ils ont de la chance !… Les enfants seront sans doute dans le jardin de la villa… Oui, mais, après tout, qu’est-ce que cela donne de voir des gens qu’on grille de connaître quand il vous est interdit de leur parler ; il vaut mieux que je reste le plus loin possible des Myrtes… Je suis libre ce matin, j’ai fait mes devoirs pour demain… Si je travaillais à ma tapisserie… ou bien à la robe de ma poupée… ou bien à ma dentelle… ou bien… non, je vais commencer des chaussons au crochet pour ma filleule… »

Enchantée de cette idée, Marthe, qui entreprenait toujours une foule de petits travaux et les abandonnait inachevés, plaça trois belles pelotes de laine et un crochet dans sa corbeille à ouvrage, puis s’en fut à pas comptés dans les allées du parterre doucement incliné sur le penchant du coteau.

Pourquoi, après avoir raisonné en fille si prudente, prend-elle celui des sentiers qui mène sur une terrasse ombragée de platanes et soutenue par un mur formant le fond du jardin des Myrtes ?

Ce n’est point pour admirer les monts de l’Esterel avec leur manteau de pins et de chênes verts ?… Habituée, dès l’enfance, à ce spectacle grandiose, elle se tourne de préférence, en ce moment, vers la fameuse villa que M. Brial a louée à l’architecte.



« Personne ! soupire-t-elle au bout d’un instant, ils viennent donc du pays des marmottes !… Je peux bien m’installer ici, maman n’avait pas besoin de me faire tant de recommandations. »

Assise sur les pierres qui bordaient la terrasse, elle s’arrangea commodément pour travailler.

Pendant ce temps, Jacques et Norbert avaient gagné en ville l’une des rues voisines de la place du Grand-Puy où habitait M. Serato, le professeur de dessin.

Lorsque une heure plus tard, celui-ci leur rendit la liberté, Jacques, tout en fredonnant, suivit son frère qui, préoccupé de la leçon qu’il venait de prendre, parlait avec animation.

« Avant ce soir, disait-il, j’aurai travaillé à mon esquisse pour profiter des observations de M. Serato que j’ai bien en tête ; je t’engage à faire la même chose.

— Merci, riposta Jacques, ça gâterait le reste de mon jeudi, j’ai envie d’aller chez Raybaud.

— Allons chez Raybaud, approuva Norbert.

— En avant, marche ! »

Et Jacques faisant tournoyer, sans respect, au-dessus de sa tête, le pauvre carton à dessin, dégringola par les rues qui descendent vers la plaine.

« Écoute, dit son frère, comme ils dépassaient les dernières maisons de la ville, on crie tout près d’ici.

— Je crois bien, je suis même sûr que le