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JULES VERNE

don, quelques réparations eussent été néces­ saires. Les planches des parois latérales commençaient à se disjoindre, le pied des montants jouait dans la terre humide, des traces de délabrement existaient sous les festons de lianes et de verdure. C’était une besogne dont Khamis et ses compagnons n’avaient point à se charger. Que cette cabane dût jamais servir de refuge à quelque autre amateur de simiologie, c’était fort improbable, et elle serait laissée telle qu’elle était. Et, maintenant, n’y recueillerait-on pas d’autres objets que le coquemar, la tasse, l’étui à lunettes, la hachette, la boîte du car­ net, déjà ramassés ? Khamis chercha avec grand soin. Ni armes, ni ustensiles, ni caisses, ni conserves, ni vêtements. Nul doute que tout ce matériel n’eût été enlevé, et le forcloper allait ressortir les mains vides, lorsque dans un angle, au fond à droite, le sol, qu’il frappait du pied, rendit un son métallique. « 11 y a quelque chose là... dit-il. — Peut-être une clef ?... répondit Max Huber. — Et pourquoi une clef ?... demanda John Cort. — Eh ! mon cher John, la clef du mystère ! » Ce n’était point une clef, mais une caisse en fer-blanc qui était enterrée à cette place. Khamis l’en retira. Elle ne paraissait pas avoir souffert, et quelle satisfaction lorsqu’il fut constaté qu’elle contenait une centaine de cartouches intactes ! « Merci, bon docteur, s’écria Max Huber, et puissions-nous jamais reconnaître le signalé service que vous nous aurez rendu ! » Service signalé, en effet, car ces cartouches étaient précisément du même calibre que les carabines du foreloper et de ses deux compa­ gnons. Il ne restait plus qu’à revenir au lieu de halte, après avoir refermé la porte de la cage, et à remettre le radeau en état de navigabilité. « Auparavant, fit observer John Cort, voyons si, aux environs, n’existe aucune trace du docteur Johausen et de son serviteur. 11 est possible que tous deux aient été attaqués par les indigènes et entraînés dans les profon­

deurs de la forêt, mais il est possible aussi qu’ils aient succombé en se défendant... que leurs ossements soient sans sépulture... — Auquel cas, répondit Max Huber, notre devoir serait de creuser une tombe. » Les recherches furent vaines, et, dans un rayon de cent mètres, du moins, elles ne donnèrent aucun résultat. On pouvait en conclure que l’infortuné Johausen avait été emmené — et, par qui, si ce n’est par des indigènes, ceux-là mêmes que le docteur prenait pour des singes, et qui causaient entre eux ?... Quelle apparence, en effet, que des quadrumanes fussent doués de la parole humaine ?... « En tout cas, fit observer John Cort, cela indique que la forêt de l’Oubanghi est fré­ quentée par des nomades, et nous devons nous tenir sur nos gardes... — Comme vous dites, monsieur John, ré­ pliqua Khamis. A présent, au radeau... — Et ne pas savoir ce qu’est devenu ce digne Teuton ! s’écria Max Huber. Où peut-il être ?... — Là où sont les gens dont on n’a plus de nouvelles, repartit John Cort. — Est-ce une réponse cela, John ?... — C’est la seule que nous puissions faire, mon cher Max. » Lorsque tous furent de retour à la grotte, il était environ neuf heures. Khamis s’occupa d’abord de préparer le déjeuner. Puisqu’il disposait d’une marmite, Max Huber demanda que l’on substituât la viande bouillie à la viande rôtie ou grillée. Ce serait une variation au menu ordinaire. La proposition acceptée, on alluma le feu, et, vers midi, les convives se délectèrent d’une soupe à laquelle il ne manquait que le pain, les légumes et surtout le sel. Mais avant le déjeuner on avait travaillé aux réparations du radeau comme on y tra­ vailla après. Très heureusement, Khamis avait trouvé derrière la cabane du docteur quelques planches qui purent remplacer celles de la plate-forme, pourries en plusieurs en­ droits. Grosse besogne d’évitée, étant donné le manque d’outils convenables. Cet ensemble de madriers et de planches fut reconsolidé au