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COLETTE EN RHODESIA

employée en préparatifs, en recommandations à Marie-Louise, qui promit solennellement de porter chaque jour le déjeuner de ses petits oiseaux sous le chêne vert et de bien soigner Caprice.

Quand ces choses importantes furent convenues entre elle et la jeune servante, Irène prit sa course vers le bois d’orangers : elle voulait revoir la Foux-aux-Roses avant de partir ; mais, pendant qu’elle en suivait les bords, ce n’était déjà plus à la belle eau chantante qu’elle pensait :

« Adieu, Nadine ! murmura-t-elle en regardant au delà du champ de roses les murs blancs des Myrtes et de Beau-Soleil, adieu ! je crois décidément que je n’aurai jamais une petite amie pour tout de bon. Qui sait si Marthe ne t’a pas empêchée de revenir ? J’espérais le contraire ! Je me disais que peut-être tu l’amènerais un jour avec toi. Tante Dor aurait beaucoup grondé, mais cela ne me faisait pas peur… au fond, je devine qu’elle aime encore son cousin Brial. Quel malheur ! tout pouvait si bien s’arranger !… »

L’enfant, agenouillée sur une grosse pierre, plongea ses mains dans le courant comme pour caresser la rivière, cause involontaire de son chagrin, et, d’un ton plus joyeux :

« Au revoir, petite Foux ! je l’aime tout de même, va ! » dit-elle.

A. Mouans.

(La suite prochainement.)


LES CHERCHEURS D’OR DE L’AFRIQUE AUSTRALE

COLETTE EN RHODESIA
(La guerre au Transvaal)
Par ANDRÉ LAURIE


V

Benoni.


Au moment de l’attaque, le sieur Benoni s’était éclipsé ; plusieurs des assaillants l’avaient remarqué avec surprise et indignation.

« Où est-il, ce lâcheur ? disaient-ils, furieux, lorsque, après avoir repris haleine sous l’abri tutélaire de la forêt voisine, ils retrouvèrent la force d’échanger leurs impressions. Où est-il, ce misérable faiseur de promesses ? À l’entendre, il ne devait faire qu’une bouchée de ces blancs, et nous étions sûrs d’entrer sans coup férir dans la place, pour y faire les plus grasses bombances et le plus riche butin… Et voilà ce qui nous attendait !… Des coups de tonnerre foudroyant cent hommes à la fois !… Il le savait bien, ce vil coquin, puisqu’il a pris soin de s’éclipser à temps !… Alors pourquoi nous avoir conduits ici ?… C’était donc tout exprès pour nous faire massacrer ?… Le traître !… Si jamais on le rattrape, son compte est bon !…

— Peut-être est-il parmi les morts ? suggéra un esprit bienveillant, comme il s’en rencontre partout, et même sous la peau noire d’un Matabélé.

— Lui, mort !… Allons donc !… Tu n’as pas besoin d’en être en peine !…

— Qu’en savez-vous ?…

— On a vu des choses plus surprenantes… Le seul moyen d’en avoir le cœur net est d’ailleurs de vérifier quels sont les morts.

— Vérification superflue !… Benoni s’est porté en arrière au moment même où il donnait l’ordre d’avancer.

— N’importe !… Il a pu revenir sur ses pas… Il faut s’assurer de la vérité, sans compter que, pour notre sûreté personnelle, il est indispensable de relever ceux qui sont