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À LA CAMPAGNE

Cependant, il est généralement admis aujourd’hui que ces oiseaux naissent tout simplement, comme les autres, par l’intermédiaire d’un œuf. C’est moins mystérieux et moins poétique, mais plus commode pour les éleveurs.

Tous nos canards domestiques dérivent des canards sauvages, originaires des grands lacs du Nord, qui descendent en automne, par longues bandes triangulaires, vers nos régions pour y passer l’hiver et nicher, et dont la domestication a développé la taille et le volume. La grosse race, — canard de Normandie, de Picardie ou de Rouen, — est le canard domestique par excellence. Son poids atteint ordinairement deux kilogrammes. Il s’élève facilement avec peu d’eau. Son plumage est très varié ; il rappelle surtout son ancêtre sauvage par le miroir vert métallique qui traverse l’aile. Il a produit une jolie variété toute blanche qui est un peu plus petite et une autre portant fièrement sur le chignon une huppe ressemblant à une coiffe normande qui lui donne l’air d’une nourrice cauchoise.

Citons encore le canard d’Aylesbury, traduction anglaise du canard de Rouen, entièrement blanc avec le bec et les pattes roses, qui s’engraisse extraordinairement, et le canard de Labrador, plus petit, mais très élégant, au plumage, tout noir, à reflets métalliques verts et violets.

On élève aussi le canard de Barbarie ou canard d’Inde, ainsi appelé sans doute parce qu’il est originaire du Brésil, d’où il a été importé en France vers 1500 ; tout ce qui venait d’outre-mer à cette époque était censé venir d’Inde ; d’une domestication facile comme tous ses congénères, il s’est immédiatement acclimaté chez nous et, dès 1550, il encombrait déjà les marchés pour servir, dit le vieux Belon, ès festins et nopces. C’est le plus gros de tous ses congénères ; sa chair est excellente, mais à la condition qu’on lui enlèvera la tête au moment où on le tue pour que la viande ne contracte pas un désagréable goût de musc qui lui serait communiqué par le sang refluant, au cours de l’opération qui met fin à sa vie, de la tête dans le corps.



Ce canard est très beau ; son plumage, d’un noir lustré à reflets verts, est traversé par une bande blanche qui coupe les ailes. Les plumes du sommet de la tête et de la nuque se relèvent en une espèce de huppe frisée. Le mâle a le bec rouge et noir entouré de caroncules charnues d’un rouge vif qui se prolongent sur les joues. C’est un oiseau d’un caractère ardent et batailleur.

Le canard de Barbarie est peu utilisé comme élevage direct. On l’emploie surtout comme croisement avec la cane normande pour obtenir des hybrides magnifiques et justement célèbres dans les fastes de la gastronomie : ce sont les canards mulards.

Ces canards sont aussi gros que leur père ; leur plumage est très variable, mais généralement de teinte sombre. Leur chair est délicieuse et n’a pas le goût musqué de la chair paternelle et de plus ils sont à peu près silencieux ; leur conversation se borne à une espèce de pépiement analogue à celui des jeunes pigeons.

Le mulard mériterait la première place dans la basse-cour. Sa graisse est extrêmement fine et son foie constitue une production culinaire du plus haut mérite, appréciée surtout sous la forme de terrines de Nérac ou de Toulouse.

Le développement extraordinaire du foie de canard, qui atteint chez les animaux bien préparés le poids d’un kilogramme, est le