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EN FINLANDE

Très intriguées, nous accourûmes. Hanna nous fit signe de nous faufiler dans la cachette formée au coin de la salle d’études par le tableau noir. Derrière ce rideau, nous nous sentions tout à fait chez nous, loin des regards indiscrets ou des oreilles curieuses. C’était un lieu d’asile découvert de la veille et dont nous n’étions pas peu ravies.

Une à une, nous nous introduisîmes à la dérobée dans cet étroit réduit où le quatuor tenait bien juste. Et nous chuchotâmes :

« Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? Qu’as-tu inventé Hanna ? Vas-tu nous enseigner un jeu nouveau ?

— J’ai… Êtes-vous bien sûres qu’on ne nous épie pas ? Cette Emmy fourre toujours son nez partout…

— Son nez ? ses sourcils, veux-tu dire », s’écria Sigrid.

Cela nous fit bien rire, la main sur la bouche pour ne pas nous trahir.

Emmy ne m’était pas plus sympathique qu’au premier jour et, comme de juste, mes amies partageaient mon antipathie.

« Eh bien, ce grand secret ? » interrogea Aïna cessant de rire.

Hanna se campa fièrement, le bras droit levé en l’air :

« Nous nous aimons, n’est-ce pas, mesdemoiselles ! »

Si nous nous aimions…, l’indignation, à ce doute émis, faillit trahir notre cachette.

« Chut ! dit Hanna, ce n’est pas une injure, c’est une simple affirmation.

— Certes, nous nous aimons, dirent nos trois voix avec ensemble.

— Et c’est entre nous à la vie, à la mort !

— À la vie, à la mort ! répétâmes-nous comme un écho.

— Alors, il faut faire une association selon les règles.

— Qu’entends-tu par là ? dit Aïno songeuse.

— Il n’y a peut-être pas de pays comme la Finlande pour avoir des sociétés de tout genre : nous avons la Société des sciences…

— La Société de littérature finnoise…, m’écriai-je, prompte à revendiquer tout ce qui touchait à ma langue d’origine.

— La Société de littérature suédoise…, clama à son tour Hanna, tandis que Sigrid en même temps disait :

— Et la Société d’histoire de Finlande ! Et la Société de géographie, et la Société qui a un nom latin.

— Ah oui, la Société pour la faune et la flore de Finlande, dit Aïno, la sérieuse.

— Tout le monde forme des Sociétés, reprit Hanna ; les médecins ont la leur, les architectes aussi, les avocats aussi ; il faut que nous ayons la nôtre.

— Au fait, je ne vois pas pourquoi, dit Sigrid, nous ne fonderions pas une association.

— Et moi, je vois pourquoi nous en fonderons une, cria Hanna triomphante. Notre union n’est pas une banale camaraderie de huit jours, n’est-ce pas ?

— Bien sûr.

— Nous resterons toujours amies, même quand nos cheveux seront tout blancs.

— Nous serons peut-être chauves, dit l’incorrigible Sigrid ; comment pourrions-nous affirmer avoir jamais des cheveux blancs ?

— Même quand nous serons chauves, continua Hanna sans se démonter.

— Toujours !!!

— C’est donc notre devoir de former une « ligue », comme autrefois, ou une « alliance », comme maintenant.

— Mais comment ?

— Nous allons d’abord formuler chacune des choses auxquelles nous nous engageons solennellement, et puis, nous les écrirons sur du parchemin et nous signerons.

— Mais où trouveras-tu du parchemin ?

— Soyez tranquilles, j’en trouverai…

— À quoi veux-tu que nous nous engagions ?

Article premier. — Nous nous aimerons toute notre vie ! — C’est entendu ?

— Entendu.

Article II, très essentiel. — Nous n’aurons pas de préférence, nous nous aimerons également toutes les quatre. »

Il y eut, chez Aïno et Sigrid, une très légère hésitation et leur oui suivit le mien à quelques secondes d’intervalle. Hanna reprit :

« Article III. — Notre but est de nous unir