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fut employé en quelques négotiations vers la Royne, tant par le Prince d’Orange et les États de Hollande et Zélande, qui touteffois ne l’avoient jamais veu, que par monseigneur[1] le Duc d’Alençon qui des lors projettoit diverses pratiques contre le Roy Charles, et se proposoit, en cas qu’icelles ne réussissent, de passer en Angleterre et relever le parti de ceux de la religion.

La face de la France estoit sy horrible qu’il ne pouvoit penser à y retourner, qu’elle ne fust changée, encor que ses parens l’y conviassent assiduellement ; et là dessus tenté de divers desseingz, tantost d’aller en Suède où estoit en crédit Charles de Mornay et de Varennes, grand maistre du Royaume, yssu de sa maison, tantost en Irlande pour s’employer en la nouvelle conqueste[2] contre les sauvages, et tantost mesmes au Pérou ou en Canada, à laquelle entreprise il estoit induict par feu Charles de Boisot, son singulier amy, depuis goouverneur de Zéellande qui estoit presques en pareil désespoir des Pais bas que luy de la France. Dieu voulut espargner son Eglize[3] et délivra la Rochelle en appelant le Duc d’Anjou (qui règne à présent) à la couronne de Poulogne, avec lequel il fust sollicité de s’acheminer, parce qu’il recerchoit personnes qui eussent la congnoissance des

  1. Hercule François, duc d’Alençon, frère de Charles IX, né en 1534, resté catholique, mais souvent mêlé, par son ambition, aux affaires des protestants.
  2. Les Irlandais, alors très-peu civilisés.
  3. Le duc d’Anjou faisait le siège de la Rochelle défendue héroïquement par les protestants, depuis le mois de février 1573, lorsqu’il fut élu roi de Pologne ; le 13 mai, le siège de la Rochelle fut levé et la paix conclue.