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s’achemina vers la Charité, laquelle fut recongneue de monsieur de Feuquères, et ayant esté preste[1] à battre, ceux qui commandoient dedans se rendirent au moys de may 69, auquel lieu feu monsieur de Feuquères fut blessé à la jambe d’ung coup de pied de cheval, et luy en print la fièbvre continue, de laquelle il rendit son âme à Dieu, au grand regret des gens de bien qui le congnoissoient, laissant après luy une très heureuse mémoire. Ce fut le 23e de may au dit an ; j’avois alors 19 ans et passay tout ce temps à Sedan, fort affligée, hors de mon païs et de tous moïens, et avec un nombre infiny d’affaires. J’y receus là[2] la nouvelle de la mort de feu monsieur de la Borde, mon père, d’une mienne sœur qui estoit à marier, de feu monsieur de Feuquères mon beau père. Sy peu de bien que j’avois estoit saisy à cause des troubles ; de celuy de feu monsr de Feuquères je n’en touchay ung seul denier. Au milieu de tant d’afflictions, Dieu me sussita des amys, et me retira de toutes ces difficultez. Touteffois, depuis ce temps là, j’ay esté quasy tousjours travaillée de maladie, et la pluspart des médecins qui m’ont pensée ont jugé que s’avoit esté des mélancholies que j’avois eues. La paix estant faitte, je m’en vins, par le commandement de madamoyselle de la Borde, ma mère, à Paris, où après avoir fait noz partages de la succession de feu mon père, je demeuray pour tascher à nettoyer le

  1. Le manuscrit de la Bibliothèque impériale porte : « la batterie ayant esté preste… »
  2. Le manuscrit de la Bibliothèque impériale et l’édition de M. Auguis portent : « J’y receus la nouvelle, estant veufve et grandement affligée, de la mort, etc. »