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n’eut loisir de dire sinon : « Seigneur, il y a cinquante et huit ans que tu m’as donné une âme ; tu la m’as donnée nette et blanche ; je te la rens impure et souillée ; lave la au sang de Jésus Christ ton fils, » Ainsy rendit son âme à Dieu à Melung, duquel lieu il estoit Seigneur et Viconte, et fut porté son corps pour estre ensevely à Chastillon, paroisse de la Borde, et qui appartient à messire Guy Arbaleste[1], [Seigneur de la Borde et de Chastillon et] mon frère aisné.

Peu de temps après la mort de feu monsieur de la Borde, mon père, madamoyselle de la Borde, ma mère, mes frères et ma seur de Vaucelas, et moy allasmes à Paris où nos partaiges furent faitz. J’estoy alors veufve, ayant esté mariée à messire Jehan de Pas, Seigneur de Feuquères, aâgée de dix-sept ans et demy, l’an soixante sept, à la St Michel, que le feu roy Charles[2] se retirant de Meaux entra à Paris et que les troubles St Denis commencèrent. Or iceluy, (ce que je diray sommairement, avoit esté nourry page chez monseigneur[3] d’Orléans, et depuis sa mort, le feu Roy[4] Francoys son père le print gentilhomme servant de sa maison, et après fut donné au Roy Françoys second, lors dauphin de France, qui estoit jeune enfant, qui le print en amityé, et le faisoit ordinairement coucher à sa garde robe avec le maistre d’icelle ; d’autant que monseigneur le Dauphin ne vouloit qu’il s’eslongnast, et ne le pouvant, pour son

  1. Ceci manque dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale et dans l’édition de M. Auguis.
  2. Charles IX.
  3. Charles, duc d’Orléans, fils de François ler, mort en 1545.
  4. François Ier.