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sévérer jusques au dernier soupir de sa vie. La paix estant faicte, le premier voyage qu’il fit à Paris, il alla en la compaignie où on luy avoit fait abjurer, et ne scavoit on point encor lors qu’il fist profession de la Religion. Il leur demanda le livre où ilz luv avoient fait signer son abjuration ; ayant le livre, il leur déclara ouvertement et publicquement le regret qu’il avoit d’avoir esté sy traistre à Dieu que pour sauver sa vie et sy négligent que, par ne s’estre bien enquis de son salut il avoit abjuré ce peu qu’il savoit de la vérité ; et parlant ainsy à eux, il biffa son seing, disant que, pour le moins, ceux qui scauroient sa faute scauroient aussy par mesme moyen le regret qu’il en avoit eu. Les années de soixante neuf et septente, il fut quasy tousjours malade et ne bougea de sa maison, où il eust tous ses biens saisis, ses meubles inventoriés et garnison. Touteffois il estoit consolé par monsr de Miremont, ministre de son Eglize, qui le venoit souvent visiter ; monsieur de Morvillier, lors premier conseiller d’estat, sachant sa maladie, et qu’il avoit envie de changer d’air, luy envoya offrir son abbaie de St Père qui est lez Melung, où feu mon père se fit porter dans un brancard, et laissa mes troys frères en sa maison, tous troys extrêmement malades. Arrivé qu’il fut à Melung, luy print une syncope[1]. Le lendemain matin, comme il despeschoit ung des siens pour savoir des nouvelles de mes frères, luy reprint une autre syncope, et

  1. Le manuscrit de la Bibliothèque impériale et l’édition de M. Auguis portent « une syncope, que les médecins jugèrent luy venir d’une chute qu’il avoit faicte par les chemins. »