Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.

loing de là (c’estoit près de Montjavou, à une lieue de Buhy), ils avoient esté arrestés par ceste trouppe. A Buhy, il trouva toute la famille dissippée et madamoyselle sa mère dehors, retirée en la maison du st du Lu, gentilhomme son voisin, de petits moiens, dont il eut nouvelles à Buchet, petit hameau proche de Buhy, par ung nommé Saturny, vieux serviteur de la maison. Il la fut voir, se consolèrent ensemble, et luy déclara son intention de sortir du Royaume, et après l’avoir conduicte chez monsieur de Villerceaux, où elle se retira. Peu de jours[1], le Baron de Montenay, leur allié, gendre du dit sieur de Villerceaux, luy fit offre de luy faire avoir ung passeport de monsieur de Guyse, pour aller où il voudroit. Il le refusa, luy respondant qu’il ne vouloit devoir sa vie à personnes pour lesquelles il feroit trop de conscience pour s’employer, que Dieu lui ouvriroit les passages pour sortir de France, puisqu’il les luy avoit ouvertz pour sortir du massacre. Troys jours après, passa en Angleterre, s’embarquant en ung fauxbourg de Dieppe nommé le Polet, par le moyen de monsieur d’Auberville, son beau frère, qui y employa le capitaine Montuit, auquel il s’en sentoit fort obligé. La tempeste fut sy grande que les mariniers parloient de relascher à Calais, qui leur eust esté alors plus mal à propos que d’aller au Pérou ; mais Dieu l’appaisa et les conduit au port de la Rie, où il fut bien receu des Anglois ; et sa consolation en ce bateau, c’estoit d’ouyr les cris de plusieurs femmes et en-

  1. Le manuscrit de la Bibliothèque impériale et l’édition de M. Auguis portent « peu de jours après. »