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à chose qu’ilz demendassent, que s’il n’eust rien sceu, ilz eussent mal pensé de luy, et maintenant, le trouvant scavoir quelque chose, qu’ilz en faisoient pis, qu’il voyoit bien qu’ilz n’estoient gens de raison, et qu’ils fissent ce que bon leur sembleroit. Mais durant ce temps, ilz avoient envoyé deux des leurs vers l’huyssier susmentionné auquel monsieur du Plessis leur avoit donné adresse pour trouver tesmoignage, et luy avoit escrit en ces motz : « Monsieur, je suis retenu par ceux de la porte et du fauxbourg St Denis qui ne veulent croire que je soye Philippes Mornay, vostre clerc, auquel vous ayés donné congé d’aller voir ses parens à Rouen pendant ces vacations ; je vous prie de le leur certifier afin qu’ilz me laissent passer mon chemin, etc. Ilz le trouvèrent qui alloit au Palais, homme d’assez bonne apparence et bien vestu. Il les rabroua ung peu, puis testifia sur le dos de la lettre qu’il n’estoit rebelle, ny séditieux, (il n’oza dire Huguenot,) ce qu’il signa de sa main. Mais un petit guarson de la maison faillit à guaster tout, leur disant qu’il n’y estoit que du lundy. Au milieu de tant de difficultez, nous debvons congnoistre come la divine bonté et providence de Dieu veille sur nous et pour nous contre tout espoir humain ; le billet leur estant rapporté, il fut trouvé par ces barbares fort authentique, et soudain luy changèrent de visage et de propos, et le reconduyrent jusques au lieu où ils l’avoient pris. Ainsy il se sépara d’eux seur les neuf heures du matin, et prit son chemin par St Denis, à L’isle Adam, et delà à Chantilly, à pied, où il trouva monsieur de Montmo-