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valé[1] de Venize ou Padoue où il avoit séjourné, soit qu’il eust esté descouvert par les chemins par divers propos avec ses Cordeliers, dès la seconde nuit le Barigel ou capitaine du Guet vint en son logis, l’interrogua de son nom, pais, affaires, d’où il venoit, où il alloit, etc. Il respondit de tout à la vérité ; seulement il s’appella Philippes de Mornay selon son vray nom, au lieu qu’il estoit plus congneu par le nom du Plessis. Ses gens couchoient en une garde-robe, et affin qu’ilz ne se coupassent et qu’ils se conformassent à ses responces, il respondit à haute voix, ce qu’ilz remarquèrent et s’y conformèrent, lorsqu’il les fut interroguer. Ainsi le Barigel s’en alla ; mais deux heures après revint et recommencea ses interrogatoires, dont il luy redoubla l’alarme. Alors il fut sur le point de se jetter par la fenestre pour essayer à se sauver ; mais enfin il se résolut de respondre avec assurance, comme grâces à Dieu bien luy en prit ; et se partirent d’auprès de luy pour la deuxième fois ; le matin s’en alla sans bruit à Tivoli et s’esgara quelques jours, et depuis revint à Rome, achever de voir ce qu’il n’avoit peu pour la haste du premier voyage. A Milan et Crémone, villes du Roi d’Hespaigne, courut presques semblable péril, où estant sondé par quelques Hespagnols importuns, ung d’eux luy dit que tous les Françoys estoient Luthériens, il respondit que c’estoit comme qui diroit que tous les Hespagnolz fussent Marans[2] ; de là s’ourdit question, l’aultre maintenant les Luthériens pires que les Juifs, et parce qu’au sortir de table l’Hespa-

  1. Dénoncé.
  2. Maures.