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lequel, par manière de dire, il fait dégoûter une particulière et spéciale rousée de sa grâce et bénignité. Nous cheminons par le milieu des vices ; il nous a détournés de leurs allèchemens, il nous en a mesmes violemment arrachés. C’est une marque qu’il nous ayme et qu’il se veut servir de nous ; il nous a osté des biens qui nous ostoient sans doute à luy, destourné des honneurs mondains qui nous reculoient de luy ; c’est signe qu’il ne nous veut pas perdre, signe qu’il nous veut garder au contraire pour lui. Il nous a mesmes envoyé du mal, mais dont nous avons receu du bien ; des exilz où nous avons appris à rechercher nostre vraye patrie ; des pertes, qui nous ont enseigné d’acquérir au Ciel ; des dangers qui nous ont ramenteu nostre infirmité en les appréhendant, sa bonté en nous en délivrant ; des nécessités qui nous ont fait réclamer et esprouver ses abondances. Cette extraordinaire conversion des faux maux qu’on appelle en vrays biens nous fait apprendre que rien ne nous peut faire mal quand nous sommes à Dieu. Réciproquement aussy, que toutes les bénédictions mondaines ne nous sont que malédictions si nous nous destournons de sa crainte. Mais surtout, si nous venons à songer à nostre élection, qu’il nous a choisis pour ses enfans, pour estre ses héritiers, cohéritiers de Christ, d’un si riche Père, en un si riche héritage, nous adorerons l’abysme de ses miséricordes, et abhorrerons l’horreur de nos misères tout ensemble, et soustenus touteffois de ses justes bontés, dirons avec l’apostre : « Qui nous pourra jamais destourner du service de Dieu ? Oppression ou angoisse ? Persécution ou faim ? Nudité