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rien voulu conclurre sur le gros de ses affaires sans luy, qu’on lui proposoit divers desseins, les uns sur Broüage, les autres sur Xaintes, et luy en déduit les moïens, que premier de passer outre, il avoit voulu avoir son advis. Il luy respont que Brouage et Xaintes estoient desseings beaux et dignes de luy, mais que c’estoient ouvrages de deux mois, et que cependant la France se perdoit sans ressources, qu’il falloit désormais penser à la sauver, et que s’il estoit creu, il marcheroit tout droict à la rivière de Loire avec le meilleur équipage de pièces et les plus belles forces qu’il pourroit ; qu’il avoit une entreprise sur Saumur ; si elle réussissoit, qu’il avoit le passage de Loire ; synon, qu’il prendroit toutes les villes jusques là, que le Roy, se sentant entre deux forces et ne pouvant subsister, s’accorderoit avec le moins offensé, c’est-à-dire avec luy. Le dit Seigneur Roy y prit tel goust qu’il lui donna la main qu’il le feroit, et que nul ne lui déstourneroit, (car à la vérité, tous ceux de son conseil y estoient contraires et l’ont souvent confessé depuis,) et de ce pas, luy commanda de retourner à Nyort pour y tenir pretz quattre canons et l’équippage, ce qu’il fit sans argent et avec ung attellage ramassé de toutes pièces, et qu’il falloit changer à chaque journée ; et puis dire ne l’avoir jamais veu en plus grant peine, mais il voioit qu’il faloit faire de nécessité vertu. Aussy succéda ce voyage sy heureusement que la France en reçoit encor aujourd’huy les fruictz, car scachant en chemin que l’entreprise de Saumur estoit faillie, il ne laissa de suivre et se rendirent, sans voir le canon, Loudun, Chastellerault, Monstreuilbellay, l’Isle-Bouchard, Thouars, et