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Mais afin de vous inspirer plus d’ardeur à défendre l’État, sachez, mon fils, qu’il est dans le ciel une place assurée et fixée d’avance pour ceux qui ont sauvé, défendu et agrandi leur patrie, et qu’ils doivent y jouir d’une éternité de bonheur ; car de tout ce qui se fait sur la terre, rien n’est plus agréable, aux regards de ce Dieu suprême qui régit l’univers, que ces réunions, ces sociétés d’hommes formées sous l’empire des lois, et que l’on nomme cités. Ceux qui les gouvernent, ceux qui les conservent, sont partis de ce lieu, et c’est dans ce lieu qu’ils reviennent. »

Rien de mieux dit, rien de plus convenable que défaire suivre immédiatement la prédiction de la mort du second Africain par celle des récompenses qui attendent l’homme de bien après sa mort. Cet espoir produit sur lui un tel effet, que, loin de redouter l’instant fatal qui lui est annoncé, il le hâte de tous ses vœux, pour jouir plus tôt, au séjour céleste, de l’immensité de bonheur qu’on lui promet.

Mais, avant de donner au passage entier que nous venons de citer tout son développement, disons quelques mots de la félicité réservée aux conservateurs de la patrie.

Il n’y a de bonheur que dans la vertu ; et celui-là seul mérite le nom d’heureux, qui ne s’écarte point de la voie qu’elle lui trace. Voilà pourquoi ceux qui sont persuadés que la vertu n’appartient qu’aux sages soutiennent que le sage seul est heureux.

Ils nomment sagesse, la connaissance des choses divines, et sages ceux qui, s’élevant par la pensée vers le séjour de la Divinité, parviennent, après une recherche opiniâtre, à connaître son essence, et à se modeler sur elle autant qu’il est en eux. Il n’est, disent ces philosophes, que ce moyen de pratiquer les vertus ; et quant aux obligations qu’elles imposent, ils les classent dans l’ordre qui suit : La prudence exige que, pleins de dédain pour cette terre que nous habitons, et pour tout ce qu’elle renferme, nous ne nous occupions que de la contemplation des choses du ciel, vers lequel nous devons diriger toutes nos pensées ; la tempérance veut que nous ne donnions au corps que ce qu’il lui faut indispensablement pour son entretien ; la force consiste à voir sans crainte notre âme faire, en quelque sorte, divorce avec notre corps sous les auspices de la sagesse, et à ne pas nous effrayer de la hauteur immense que nous avons à gravir avant d’arriver au ciel.

C’est à la justice qu’il appartient de faire marcher de front chacune de ces vertus vers le but proposé. D’après cette définition rigide de la route du bonheur, il est évident que les régulateurs des sociétés humaines ne peuvent être heureux. Mais Plotin, qui tient avec Platon le premier rang parmi les philosophes, nous a laissé un traité des vertus qui les classe dans un ordre plus exact et plus naturel ; chacune des quatre vertus cardinales se subdivise, dit-il, en quatre genres.

Le premier genre se compose des vertus politiques, le second des vertus épuratoires, le troisième des vertus épurées, et le quatrième des vertus exemplaires. L’homme, animal né pour la société, doit avoir des vertus politiques.

Ce sont elles qui font le bon citoyen, le bon magistrat, le bon fils, le bon père et le bon parent : celui qui les pratique veille au bonheur de son pays, accorde une protection éclairée aux alliés de son gouvernement, et le leur fait aimer par une générosité bien entendue. Aussi de ses bienfaits ou garde la mémoire.