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répète-nous, je te prie, les propres paroles de Varron, si tu les as retenues.

Albin répondit:

- Voici le passage de Varron que tu me demandes:

« Les bellaria les plus doux sont ceux où l'on ne met point de miel; car le miel ne souffre point la cuisson. Le mot bellaria signifie toute espèce de mets du second service : c'est le nom que nos ancêtres ont donné à ce que les Grecs appelèrent πέμματα ou τραγήματα. Les vins les plus doux sont aussi désignés sous cette dénomination dans de très anciennes comédies, où ils sont appelés bellaria, de liber. »

- Allons, reprit alors Évangelus, livrons-nous un peu au vin, avant de nous lever de table; et ceci d'après l'autorité de Platon, qui pense que le vin est un excitant, et une sorte de feu qui renouvelle les forces de l'esprit et du corps de l'homme qui s'y adonne.

- Quoi donc, Évangelus, répliqua Eusthate, crois-tu que Platon ait voulu conseiller de faire un fréquent usage du vin? Ce qu'il a paru ne pas improuver, n'est-ce pas plutôt ces festins libres et joyeux, où l'on boit dans de petites coupes, et où des hommes sobres président? Ce sont de tels repas qu'il déclare pouvoir être utiles à l'homme, dans les livres l et 2 de son traité Des lois. Il pense que la. boisson modérée, au sein d'honnêtes délassements, rafraîchit l'esprit, et le dispose à reprendre les exercices ordinaires d'une vie sobre; et qu'un moment de gaieté le rend plus propre à poursuivre ses travaux accoutumés. En même temps, si quelqu'un est entraîné par sa cupidité et ses passions dans des erreurs que la honte lui fait tenir cachées, la liberté qui naît du vin les fait découvrir sans inconvénients et les rend plus faciles à corriger et à guérir. Platon dit aussi, dans le même endroit, qu'on ne doit pas craindre de s'habituer à supporter la force du vin, puisqu'il n'est personne de si sobre ou de si tempérant, dont la vie ne s'écoule à travers les dangers de l'erreur ou les amorces de la volupté. Car qui n'a pas connu les Grâces et les Plaisirs, divinités des festins? Et s'il était quelqu'un qui ne se fût pas trouvé dans ce cas, aussitôt que sa propre volonté, la nécessité ou l'occasion, les lui auront fait connaître, il se laissera bientôt attirer et subjuguer, sans que son esprit ni son coaur puissent résister. Il faut donc combattre et entrer pour ainsi dire en lutte avec les voluptés, et principalement avec les effets licencieux que produit le vin; non par la fuite ou par l'éloignement, mais par la vigueur de l'âme et en les affrontant avec constance. Qu'un usage modéré entretienne la tempérance et la continence, et cependant que notre esprit, animé et réchauffé, repousse et la froide tristesse et la craintive timidité. Nous venons de parler des voluptés : Aristote nous apprend quelles sont celles qu'on doit éviter. L'homme a cinq sens, que les Grecs appellent αἰσθήσεις, par le canal desquels l'âme et le corps perçoivent le plaisir. Ces sens sont : le tact, le goût, l'odorat, la vue, l'ouïe. Tout plaisir pris immodérément est déréglé et honteux, mais principalement ceux du tact et du goût; ces deux genres de volupté, de l'avis des hommes sages, sont ce qu'il y a de plus honteux. Les Grecs ont donné à ceux qui se livrent à ces vices graves les noms de ἀκρατεῖς