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« Est-ce au forum que tu m'envoies? » lui disait un jour celui-ci? - Oui, répondit-il; et voilà des lettres de recommandation, car tu n'y connais personne. »

Jeune encore, il persifla finement Vatinius. Cet homme, cassé par la goutte, voulait cependant avoir l'air d'être délivré de cette infirmité, et se vantait de faire mille pas.

Non miror, inquit: dies aliquanto sunt longiores.

« Je rien suis point surpris, repartit Auguste, car les jours sont devenus un peu plus longs. »

Ayant appris qu'un chevalier romain avait tenu cachées, durant sa vie, de grandes dettes excédant vingt millions de sesterces, il ordonna qu'on achetât à son encan le coussin de son lit, donnant pour raison de cet ordre, à ceux qui s'en étonnaient, qu'il fallait avoir pour son sommeil un coussin sur lequel cet homme avait pu dormir avec tant de dettes. Il ne faut point passer sous silence ce qu'il dit en l'honneur de Caton. Il eut un jour occasion de venir dans la maison qu'il avait habitée; au sortir de là, comme Strabon, pour le flatter, parlait mal de l'opiniâtre fermeté de Caton, Auguste dit :

Quisquis praesentem statum civitatis conmutari non volet, et civis et vir bonus est

« Quiconque veut empêcher le changement du gouvernement actuel de sa patrie est un honnête homme et un bon citoyen.»

Donnant ainsi à Caton de sincères louanges, sans néanmoins encourager contre son intérêt à changer l'état présent des choses. Toutefois j'admire davantage en Auguste les plaisanteries qu'il a supportées que celles qu'il a dites, parce qu'il y a plus de mérite d'avoir de la tolérance que d'avoir de l'esprit; voyez donc l'égalité d'âme avec laquelle il a supporté les traits les plus mordants. On connaît la cruelle plaisanterie d'un habitant des provinces. Cet homme, qui ressemblait beaucoup à Auguste, était venu à Rome et attirait sur lui tous les regards. L'empereur se le fit amener, et lui adressa, en le voyant, la question suivante:

Dic mihi, adolescens, fuit aliquando mater tua Romae?

« Dis-moi, jeune homme, ta mère est-elle jamais venue à Rome? - Non, lui répondit-il; mais, ajouta-t-il,

Sed pater meus saepe

mon père y est venu souvent. »

Du temps du triumvirat, Auguste écrivit contre Pollion des vers fescennins; ce qui fit dire à celui-ci :

At ego taceo. Non est enim facile in eum scribere qui potest proscribere

« Pour moi, je me tais; car il n'est pas facile d'écrire contre celui qui peut proscrire. »

Curtius, chevalier romain, homme accoutumé à nager dans les plaisirs, ayant rencontré, dans un repas qu'il prenait chez Auguste, une grive maigre, lui demanda s'il pouvait la renvoyer (mittere).

Le prince ayant répondu:

Quidni liceat?

« Pourquoi pas? »

Curtius la fit aussitôt passer par la fenêtre (misit). Auguste avait payé, sans en être sollicité, les dettes d'un sénateur qu'il chérissait, montant à quatre millions de sesterces : celui-ci, pour tout remerciement, ne lui écrivit que ces mots :

Mihi nihil

« Tu ne m'as rien donné pour moi. »

Lorsqu'il entreprenait quelque bâtiment, Licinius, son affranchi, était dans l'usage de lui apporter de grandes sommes d'argent; dans une de ces occasions, Licinius lui fit un billet d'une somme de cent. Une ligne était tracée au-dessus des caractères qui exprimaient cette somme, et s'étendait un peu au delà, laissant ainsi un espace vide au-dessous d'elle. Auguste, profitant de l'occasion, ajouta une centaine à la première, et remplit soigneusement l'espace vide de sa propre main, en imitant le reste de l'écriture : l'affranchi dissimula, et paya la somme ainsi doublée. Dans la suite, Auguste ayant commencé quelque autre entreprise, Licinius lui fit sentir avec douceur le tort de cette conduite, en lui donnant un autre billet conçu en ces termes :

Confero tibi, domine, ad novi operis impensam quod videbitur.

« Je t'offre, seigneur,