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qui, plus tard, aura lieu sous ses ordres, et la victoire, dont Rome lui sera redevable un jour. On peut également supposer qu’un personnage aussi distingué par son savoir que par ses vertus est initié, pendant son sommeil, à tous les secrets de la nature,

Ceci posé, revenons au vers de Virgile cité précédemment en témoignage de l’opinion du poète sur la futilité des rêves, et que nous avons extrait de sa description des deux portes des enfers donnant issue aux songes. Ceux qui seraient curieux de savoir pourquoi la porte d’ivoire est réservée aux prestiges mensongers, et celle de corne aux songes vrais, peuvent consulter Porphyre ; voici ce qu’il dit dans son commentaire sur le passage d’Homère relatif à ces deux portes : « La vérité se tient cachée ; cependant l’âme l’aperçoit quelquefois, lorsque le corps endormi lui laisse plus de liberté ; quelquefois aussi elle fait de vains efforts pour la découvrir, et lors même qu’elle l’aperçoit, les rayons du flambeau de la déesse n’arrivent jamais nettement ni directement à ses yeux, mais seulement à travers le tissu du sombre voile dont s’enveloppe la nature. » Tel est aussi le sentiment de Virgile, qui dit :

 Viens : je vais dissiper les nuages obscurs Dont, sur tes yeux mortels, la vapeur répandue Cache ce grand spectacle à ta débile vue.

Ce voile qui, pendant le sommeil du corps, laisse arriver jusqu’aux yeux de l’âme les rayons de la vérité, est, dit-on, de la nature de la corne, qui peut être amincie jusqu’à la transparence ; et celui qui se refuse à laisser passer ces mêmes rayons est de la nature de l’ivoire, tellement opaque, que, quelque aminci qu’il soit, il ne se laisse jamais traverser par aucun corps.

Chap. IV. Du but ou de l’intention de ce songe.

Nous venons de discuter les genres et les espèces de songes qui rentrent dans celui de Scipion ; essayons maintenant, avant de l’expliquer, d’en faire connaître l’esprit et le but. Démontrons que ce but n’est autre que celui annoncé au commencement de cet ouvrage ; savoir, de nous apprendre que lésâmes de ceux qui ont bien mérité des sociétés retournent au ciel pour y jouir d’une félicité éternelle. Cela est prouvé par la circonstance même dont profite Scipion pour raconter ce songe, sur lequel il assure avoir gardé le secret depuis longtemps. Lélius se plaignait que le peuple romain n’eût pas encore élevé de statues à Nasica ; et Scipion, ayant répondu à cette plainte, avait terminé son discours par ces mots : « Quoique le sage trouve dans le sentiment de ses nobles actions la plus haute récompense de sa vertu, cependant cette vertu, qu’il tient des dieux, n’en aspire pas moins à des récompenses d’un genre plus relevé et plus durable que celui d’une statue qu’un plomb vil retient sur sa base, ou d’un triomphe dont les lauriers se flétrissent. Quelles sont donc ces récompenses ? dit Lélius. « Permettez, reprit Scipion, puisque nous sommes libres encore pendant ce troisième jour de fête, que je continue ma narration. » Amené insensiblement au récit du songe qu’il a eu, il arrive au passage suivant, dans lequel il insinue qu’il a vu au ciel ces récompenses moins passagères, et d’un éclat