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est basé sur la vérité, qui cependant ne s’y montre que sous une forme embellie par l’imagination. Parmi ces écrits, qui sont plutôt des allégories que des fables, nous rangerons la théogonie et les hauts faits des dieux par Hésiode, les poésies religieuses d’Orphée, et les maximes énigmatiques des pythagoriciens.

Les sages se refusent à employer les fables de la première section, celles dont le fond n’est pas plus vrai que les accessoires. La seconde section veut être encore subdivisée ; car, lorsque la vérité fait le fond d’un sujet dont le développement seul est fabuleux, ce développement peut avoir lieu déplus d’une manière : il peut n’être qu’un tissu, en récit, d’actions honteuses, impies et monstrueuses, comme celles qui nous représentent les dieux adultères, Saturne privant son père Coelus des organes de la génération, et lui-même détrôné et mis aux fers par son fils. La philosophie dédaigne de telles inventions ; mais il en est d’autres qui couvrent d’un chaste voile l’intelligence des choses sacrées, et dans lesquelles on n’a à rougir ni des noms, ni des choses ; ce sont les seules qu’emploie le sage, toujours réservé quand il s’agit de sujets religieux. Or, le révélateur Her et le songeur Scipion, dont on emprunte les noms pour développer des doctrines sacrées, n’affaiblissent nullement la majesté de ces doctrines ; ainsi, la malveillance, qui doit maintenant savoir faire la distinction entre une fable et une allégorie, n’a plus qu’à se taire.

Il est bon de savoir cependant que les philosophes n’admettent pas indistinctement dans tous les sujets les fictions mêmes qu’ils ont adoptées ; ils en usent seulement dans ceux où il est question de l’âme et des divinités secondaires, célestes ou aériennes ; mais lorsque, prenant un vol plus hardi, ils s’élèvent jusqu’au Dieu tout-puissant, souverain des autres dieux, l’αγαθὸν des Grecs, honoré chez eux sous le nom de cause première, ou lorsqu’ils parlent de l’entendement, cette intelligence émanée de l’Être suprême, et qui comprend en soi les formes originelles des choses, ou les idées, alors ils évitent tout ce qui ressemble à la fiction ; et leur génie, qui s’efforce de nous donner quelques notions sur des êtres que la parole ne peut peindre, que la pensée même ne peut saisir, est obligé de recourir à des images et des similitudes. C’est ainsi qu’en use Platon : lorsque, entraîné par son sujet, il veut parler de l’être par excellence, n’osant le définir, il se contente de dire que tout ce qu’il sait à cet égard, c’est que cette définition n’est pas au pouvoir du l’homme ; et, ne trouvant pas d’image plus rapprochée de cet être invisible que le soleil qui éclaire le monde visible, il part de cette similitude pour prendre son essor vers les régions les plus inaccessibles de la métaphysique.

L’antiquité était si convaincue que des substances supérieures à l’âme, et conséquemment à la nature, n’offrent aucune prise à la fiction, qu’elle n’avait assigné aucun simulacre à la cause première et à l’intelligence née d’elle, quoiqu’elle eût déterminé ceux des autres dieux. Au reste, quand la philosophie admet des récits fabuleux relatifs à l’âme et aux dieux en sous-ordre, ce n’est pas sans motif, ni dans l’intention de s’égayer ; elle sait que la nature redoute d’être exposée nue à tous les regards ; que, non seulement