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PROLOGUE.

loisirs d’un homme sage et grave, daignez l’excuser, en songeant qu’il s’efforce, par ces distractions, d’adoucir les chagrins qui le poursuivent ; car il ne peut plus tourner ailleurs ses pensées ; on lui a interdit de pouvoir montrer d’une autre manière les qualités qu’il peut avoir, et il n’existe plus de récompense digne de ses travaux.

Celle qu’il attend aujourd’hui, c’est que chacun se tienne à l’écart et rie en dessous, en disant du mal de ce qu’il voit et de ce qu’il entend. C’est là sans doute ce qui est cause que le siècle présent s’est entièrement écarté du chemin de l’antique vertu ; car, en voyant que chacun ne se plaît qu’à médire, personne ne prend la peine d’entreprendre, au prix de mille fatigues, un ouvrage que le vent peut détruire, ou les nuages obscurcir.

Cependant, si quelqu’un, en médisant de l’auteur, croyait le saisir par les cheveux, ou l’effrayer, ou le tenir à l’écart, j’avertis et je préviens cet homme que notre auteur sait également médire ; que ce fut même l’art qu’il apprit le premier ; et que, dans tous les pays où l’on parle la langue du si, il n’estime personne, quoiqu’on puisse le voir à la suite de ceux qui sont en état de porter un plus riche manteau que le sien.

Mais, toutefois, laissons médire ceux qui aiment à dire du mal. Revenons à notre sujet, afin de ne point dépasser l’heure. Il ne faut pas trop compter sur les paroles, ni se faire un monstre d’une chose qui n’existe peut-être point encore. Mais voici Callimaco qui sort avec Siro, son valet ; il va dire ce dont il s’agit. Que chacun prête une oreille attentive, et ne s’attende point pour le moment à un plus long exposé.