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INTRODUCTION LXXXVII


connu et inédit pour le public du poète, ce qui ne peut que confirmer la supposition qu’il a été inventé par Guillaume. On a vu déjà et on verra dans la suite combien Machaut cherchait précisément à donner aux récits qu’il inventait un air de vérité et de réalité.

Enfin, un dernier récit est relatif à l’action folle et chevaleresque du seigneur qui, prié par sa dame de lui rendre une bague qu’elle lui avait donnée, lui envoie avec l’anneau le doigt qui le portait, afin de ne pas manquer à la promesse faite que jamais la bague ne quitterait son doigt (v. 2851-98). Cette fois-ci encore, Machaut s’étend longuement et complaisamment sur tous les détails du conte. C’est donc de nouveau un récit neuf et inédit qu’il offre à ses lecteurs. S’il se fût agi de quelque aventure connue et répandue, Guillaume l’aurait traitée tout aussi brièvement et succinctement que celle par exemple de la Chastelaine de Vergy. Si par conséquent, ce n’est pas là une nouvelle que quelque poème antérieur avait fait déjà connaître, il est probable que nous avons de nouveau devant nous une histoire inventée de toutes pièces par Guillaume lui-même. Le Jugement dou Roy de Navarre mérite donc d’attirer l’attention à un plus haut degré que les pièces précédentes, non seulement pour ses qualités littéraires, mais encore pour l’intérêt tout particulier qu’il offre en nous permettant d’entrevoir en quoi consistait le bagage littéraire d’un poète savant vers le milieu du xive siècle et quelles pouvaient être les connaissances littéraires des cercles courtois et cultivés de cette même époque. Les dits suivants permettront de compléter le tableau.

V. — Le Lai de Plour

Par jugement du roi de Navarre, Guillaume de Ma-