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LXVIII INTRODUCTION


doute la date où fut commencé le poème. La fiction elle-même, par contre, se place au printemps, quand l’épidémie a enfin disparu et que l’air doux et chaud engage notre auteur, enfermé chez lui pendant toute la froide saison, à se risquer de nouveau au dehors et à s’adonner à sa passion pour la chasse aux lièvres. Il n’est guère admissible que Machaut, ici, nous renseigne exactement et reste dans la stricte vérité. Lui qui était capable d’écrire une centaine de vers par jour — son Voir Dit nous le fait savoir[1] — ne peut avoir mis des mois à composer cette introduction de 430 vers. Restent deux hypothèses : ou bien cette chronique rimée et le débat amoureux étaient d’abord indépendants l’un de l’autre et n’ont été soudés ensemble qu’ultérieurement, ou bien, ce qui est beaucoup plus probable, le poème entier, introduction historique et débat proprement dit, existait tel quel dès l’origine ; mais avec les motifs du renouveau de la nature et de sa sortie dans la campagne le poète a déjà quitté le sol de la réalité et se trouve en pleine fiction poétique ; à ce moment, il a perdu de vue la donnée première de son poème et a oublié le point de départ qu’il lui avait fixé et qui sans doute s’était trouvé répondre à la réalité.

Les deux personnages entre lesquels s’engage la nouvelle discussion sont encore des représentants des deux sexes. L’un d’eux au moins est un personnage réel et vivant, le poète lui-même, Guillaume de Machaut. Après le rôle effacé qu’il s’était donné dans le premier Jugement, le voici qui passe au tout premier plan et qui occupe la place principale dans ce second débat. Il

  1. Lettre xxvii de Machaut à sa dame (p. 202) : « Vostres livres se fait et est bien avanciés ; car j’en fais tous les jours .c. vers ».