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INTRODUCTION XXIX


Machaut y traite a soulevé des discussions et des critiques qui eurent pour conséquence de faire revenir plus tard notre poète sur le même sujet et qui l′engagèrent à donner au débat une solution exactement opposée à sa première décision (Jugement dou Roy de Navarre). C′est aussi de tous les dits de Machaut celui qui a été reproduit le plus souvent, et nous avons rappelé plus haut que Christine de Pisan et Martin Le Franc avaient repris le même débat. Enfin, ici le poète, pour la première fois, cache son nom sous un anagramme, ce qui fait présumer qu′il jouissait déjà d′une certaine notoriété. À partir de ce moment sa réputation de poète est consacrée, et sa faveur auprès des grands seigneurs solidement établie.

Machaut ne paraît pas avoir conservé de relations avec Charles, fils de Jean de Luxembourg et empereur d′Allemagne. Il fait cependant de lui un éloge pompeux dans la Prise d′Alexandrie[1] ; mais ces vers, dans leur froide banalité, ne révèlent aucune trace de rapports plus intimes ou de souvenirs personnels. Et si, dans la suite, le poète donne des détails minutieux et précis sur l′accueil fait au roi de Chypre par l′empereur et sur leurs délibérations, il peut les devoir, comme presque toute la « matière » de son poème, aux témoins oculaires qu′à d′autres occasions il invoque à plusieurs reprises[2]. Eût-il assisté en personne à ces événements, il est à peu près certain qu′il aurait pris soin de nous le faire savoir. Il faut donc supposer que Machaut, après avoir quitté le service du roi de

  1. Prise d′Alex., Y. 987 ss.
  2. L. c., V. 2427 : « le me dist uns chevaliers »; v. 3228-29 : « si com dire l′oÿ celi qui y esioit »; v. 3937 ss. : « Cils Jehans… m′aprent et m′enseingne et m′escole et m′amenistre ma matière.»