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regrets et de remords. Je me persuadais que, m’ayant aimé follement, elle éprouverait quelque chose, une tristesse quelconque, comme lorsqu’elle pensait au sous-lieutenant Duarte. Cette réminiscence m’emplit alors de jalousie. La nature tout entière me criait qu’il fallait emmener Marcella avec moi.

— Il le faut… il le faut… disais-je en montrant le poing à l’espace.

Soudain une idée géniale… Ah ! trapèze de mes péchés, trapèze des conceptions folles ! mon idée se mit à y faire des cabrioles comme plus tard celle de l’emplâtre (chap. ii). Il fallait fasciner Marcella, l’éblouir, l’entraîner. Et je découvris un moyen beaucoup plus convaincant que les supplications. Je ne considérai point les conséquences possibles. Je fis de nouveaux billets ; je me rendis rue dos Ourives, j’achetai le plus joli bijou en montre, trois diamants énormes, enchâssés dans un peigne d’ivoire ; et je courus chez Marcella.

Elle était couchée sur un hamac, dans une attitude amollie, la jambe pendante, montrant le petit pied chaussé de soie, les cheveux épars, le regard tranquille et somnolent.