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qu’elle était en train de préparer, je lui mis la tête en capilotade ; et non content de cette méchanceté, je lançai une poignée de cendre dans le chaudron ; puis, pour comble, j’allai raconter à ma mère que l’esclave avait gâté la confiture par simple perversité. J’avais alors six ans à peine. Prudencio, un petit mulâtre élevé à la maison, me servait de monture. Il se mettait à quatre jambes, les mains à terre, je lui glissais une corde entre les dents, en guise de frein ; je lui montais sur le dos ; puis le fustigeant avec une baguette, je lui faisais faire mille tours à droite et à gauche et il obéissait, en gémissant parfois ; mais enfin il obéissait sans rien dire ou en murmurant un « aï ! aï ! Nhonhô » auquel je répondais en lui disant : « Vas-tu te taire, animal ! » Cacher le chapeau des gens qui venaient nous voir, mettre des queues en papier aux personnes graves, ou les tirer par la perruque ; faire des pinçons sur le bras des matrones, et autres exploits du même genre, étaient certainement des preuves d’un caractère indocile ; mais je me figure que c’était en même temps des manifestations d’un esprit robuste, car mon père m’avait en grande admiration. En public il me répriman-