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les uns à califourchon, d’autres les mains appuyées sur les genoux, d’autres assis sur des pierres, ceux-là appuyés à un mur, et tous les yeux fixés vers le même centre, et l’âme coulant à travers les prunelles.

— Qu’est-ce là ? demanda Nha-Lolo.

Je lui fis signe de se taire ; je lui ouvris un chemin avec adresse, et tous me cédèrent le pas, sans que personne nous remarquât d’une façon positive, tant le même objet attirait les regards. C’était un combat de coqs. Je vis les deux combattants, avec leurs éperons aigus, leur œil sanglant et leur bec pointu. L’un et l’autre agitaient leurs crêtes pourprées. Leurs poitrines étaient déplumées et vermeilles. Ils tombaient de fatigue. Mais ils luttaient tout de même, croisant leurs regards, le bec en haut, le bec en bas, estocade par-ci, estocade par-là, vibrants et rageurs. Damasceno perdit la notion de tout. L’univers entier, sauf le lieu du combat, disparut à ses regards. J’avais beau lui dire qu’il était temps de partir, il ne répondait pas, n’entendait pas, tout à l’émotion du duel. C’était une de ses passions.

Soudain, Nha-Lolo me tira par le bras, en me