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reste est la naturelle évolution des choses. Une fois que l’homme se sera bien compénétré de cette vérité qu’il est le propre Humanitas, il n’aura qu’à remonter en pensée jusqu’à sa substance originelle pour éviter toute sensation douloureuse. Mais c’est là une évolution si décisive qu’on peut bien lui assigner quelques milliers d’années.

Quelques jours après, Quincas Borba me lut son œuvre tout entière. Elle tenait en quatre volumes manuscrits, de cent pages chacun, contenant force citations latines, et écrits d’une écriture très fine. Le dernier se composait d’un traité de la politique fondée sur l’Humanitisme. C’était la partie la plus aride du système, mais conçue avec une formidable logique. Sa société réorganisée n’éliminait ni la guerre, ni l’insurrection, ni le simple coup de poing, ni le coup de couteau anonyme, ni la misère, ni la maladie, ni la faim. Mais comme tous ces fléaux supposés sont que des erreurs de l’entendement, il est clair que leur existence ne doit pas troubler la félicité humaine ; car ce sont de simples effets externes de la substance interne, destinés à n’influer sur l’homme que pour rompre la monotonie uni-