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qu’elle n’avait jamais entendu de ma bouche que des paroles aimables et courtoises. La lettre anonyme devait être de quelque amoureux évincé. Elle en cita plusieurs : l’un l’avait poursuivie de ses insistances pendant des semaines, l’autre lui avait envoyé un billet. Elle citait des noms, des circonstances, cherchant à lire dans les regards de son mari ; et elle termina en disant qu’elle me traiterait de telle sorte que je n’aurais plus envie de revenir.

J’écoutai tout cela un peu troublé, moins par la diplomatie dont il faudrait dorénavant faire preuve pour m’éloigner progressivement de la maison de Lobo Neves qu’en constatant la tranquillité morale de Virgilia, parfaitement exempte d’émotion, de crainte, de regrets et de remords. Virgilia remarqua ma préoccupation, me força à lever la tête, que j’avais penchée vers le sol, et me dit, non sans amertume : « Tu ne mérites pas les sacrifices que je fais pour toi. »

Je ne répondis pas. Il eût été oiseux de lui faire remarquer qu’un peu de désespoir et de terreur eût rendu à nos amours la saveur pimentée des premiers jours. Peut-être y fût-