Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nel clignait de l’œil en pensant qu’elle lui cherchait un mari ou autre chose. On lui faisait des compliments de plus ou moins bon goût. Elle reçut même des propositions.

Elle s’interrompit un instant et continua :

— Ma fille s’est enfuie avec un individu dont je veux ignorer jusqu’au nom. Elle me laissa seule, et si triste que je pensai mourir. Je n’avais plus personne au monde ; je n’étais plus jeune et ma santé s’était affaiblie. Ce fut à cette époque que je connus la famille de Yaya. Ces bonnes gens me donnèrent du travail, et je finis par habiter chez eux. J’y restai plusieurs mois, un an, plus d’un an même, à coudre pour eux. Je sortis de là après le mariage de Yaya. Depuis j’ai vécu comme il a plu au ciel. Voyez mes doigts, voyez mes mains… Et elle me montrait ses mains rugueuses et la pointe des doigts tout piqués au contact des aiguilles.

— Ces cicatrices-là, Dieu sait comment elles se forment. Heureusement que Yaya m’a protégée, et vous aussi, Docteur… J’avais bien peur de finir au coin de quelque rue, à demander l’aumône…

En prononçant cette dernière phrase, elle eut