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de face, demanda des conseils à voix basse au sujet de sa toilette, puis s’enquit de l’opéra qu’on jouerait, et de mille autres choses.

— Vous dînez avec nous, docteur, me dit Lobo Neves.

— Il s’est invité lui-même, confirma Virgilia ; il dit que vous avez le meilleur vin de Rio.

— Il n’en boit pas davantage pour cela.

Je le démentis au dîner. Je bus plus que de coutume, sans en être égayé. J’étais un peu nerveux, je le devins davantage. C’était la première grande colère que je ressentais contre Virgilia. Je ne regardai pas une seule fois de son côté durant tout le repas. Je parlai politique, journaux, ministère, j’aurais parlé de théologie, ma foi ! si l’idée m’en était passée par la tête. Lobo Neves m’écoutait avec une dignité placide et une certaine bienveillance supérieure. Cela m’irritait encore plus, et me faisait paraître le dîner encore plus assommant. Je pris congé au sortir de table.

— À tout à l’heure, n’est-ce pas ? me dit Lobo Neves.

— Peut-être bien.

Et je partis.