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Je poursuivis mon chemin, non sans quelque hésitation. Ce pouvait être une mauvaise farce. J’eus l’idée de rejeter le paquet sur la plage, mais, en le palpant, j’écartais cette pensée. Un peu plus loin, je fis un détour, et revins chez moi.

— Allons voir ça, dis-je en entrant dans mon cabinet.

J’hésitai encore un instant, par crainte, je crois. La pensée d’une mauvaise farce se présenta encore à mon esprit. Il est certain que je me trouvais sans témoins : mais j’avais en moi un gavroche prêt à siffler, à huer, à rire, à s’esclaffer, à glousser, à faire les cent coups, s’il me voyait ouvrir la paquet et en tirer une douzaine de vieux mouchoirs ou un certain nombre de goyaves pourries. Il était trop tard ; ma curiosité était excitée comme doit l’être celle du lecteur. Je défis le paquet, et je vis… je trouvai… je comptai… je recomptai cinq contos de reis tout au long ; peut-être dix milreis en plus : cinq contos en bonne monnaie et billets de banque, le tout bien plié, bien arrimé : une trouvaille rare. Je remis tout en ordre. Au dîner, il me sembla que les petits nègres de service