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et sans respiration. Mais la restitution de la pièce fut comme une fenêtre qui s’ouvrit sur un autre côté de la morale. Une onde d’air pur entra, et la pauvre dame respira à son aise. Il est bon de ventiler la conscience : je ne vous en dis pas plus long. En tous cas, en abstrayant les circonstances, ma façon de procéder était louable, elle exprimait un juste scrupule, le sentiment d’une âme délicate. C’est ce que me disait la bonne dame, d’un ton à la fois austère et tendre. C’est ce qu’elle me disait, penchée sur l’appui de la croisée.

— C’est fort bien fait, Cubas ; parfaitement agi. Non seulement cet air est pur, mais il est balsamique ; c’est un effluve des éternels jardins. Veux-tu voir ce que tu as fait, Cubas ?

Et l’aimable personne, tirant un miroir, l’ouvrit devant mes yeux. Je vis clairement le demi-doublon de la veille, rond, brillant, qui se multipliait à mes yeux, dix fois, trente fois, cinq cent fois, me démontrant amplement le bénéfice que je retirerai pendant ma vie et après ma mort de cette simple restitution. Et je concentrai tout mon être dans la contemplation de mon acte, m’y reconnaissant, m’y trouvant