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tant qu’il se taisait sur mes productions littéraires parce qu’il se jugeait un profane dans la matière. Mais ce qui avait trait à la politique était excellent, bien pensé et d’un bon style. Je lui répondis sur le même ton de courtoisie, et nous nous séparâmes contents l’un de l’autre.

Trois semaines se passèrent, et je reçus une invitation de lui pour assister à une soirée intime. J’y allai. Virgilia me reçut avec cette aimable phrase : « Aujourd’hui vous valsez avec moi ». J’étais, il est vrai, un valseur émérite ; rien d’étonnant à ce qu’elle me distinguât. Nous valsâmes, une fois, deux fois. Un livre perdit Françoise ; ce fut une valse qui nous perdit. Je crois bien que ce soir-là je lui serrai la main avec force. Elle se laissa faire, feignant de ne pas comprendre. Je l’étreignais ; tous les regards étaient fixés sur nous et sur les autres couples enlacés et tournants… Un délire.