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Nous dînâmes tristement. Mon oncle le chanoine arriva quand nous en étions au dessert. Et il assista encore à une légère altercation.

— Mes enfants, dit-il, rappelez-vous que mon frère vous a laissé un pain assez grand pour être réparti entre tous.

Et Cotrim :

— C’est vrai, c’est fort vrai. Mais il n’est pas question de pain ; il est question de beurre. Je ne me contente pas de pain sec.

On fit enfin le partage ; mais nous étions brouillés. Et vraiment il m’en coûta de me fâcher avec Sabine. Nous étions si bons amis. Nous avions tant de choses en commun, jeux d’enfants, fureurs puériles, sourires et tristesses de l’âge adulte, nous avions partagé le pain de l’allégresse et celui des misères, fraternellement, comme un bon frère et une bonne sœur que nous étions. Et pourtant nous étions fâchés. C’était comme la beauté de Marcella qui avait disparu sous la grêle de la variole.