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vite fait ; mes aventures n’étaient ni intéressantes ni longues à redire.

— Vous êtes marié ? me demanda Marcella quand j’eus fini.

— Non, répondis-je sèchement.

Marcella regarda dans la rue avec l’atonie de quelqu’un qui médite ou qui se souvient. Moi aussi, je me rappelais le passé, et non sans quelques regrets, je me demandais pourquoi j’avais fait tant de folies. Ce n’était certes plus la Marcella de 1822 ; mais la beauté de l’autre valait-elle vraiment le tiers des sacrifices que j’avais faits ? C’était ce que je désirais savoir, et j’interrogeais le visage de Marcella. Ce visage me répondait que non. En même temps ses yeux me confessaient que, naguère comme maintenant, ils brillaient de toute l’ardeur des convoitises. C’était mes yeux qui autrefois n’y voyaient goutte, mes yeux de la première édition.

— Mais pourquoi êtes-vous entré ? Vous m’avez aperçue de la rue ? me demanda-t-elle en sortant de cette espèce de torpeur.

— Non. Je croyais entrer chez un horloger. Je voulais acheter un verre pour cette montre.