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les ailes me parut ironique et me porta sur les nerfs. Je tournai le dos, et je sortis de la chambre. Mais en y rentrant, quelques minutes plus tard, je trouvai l’insecte à la même place, et dans un mouvement de mauvaise humeur, je pris une serviette, je l’en frappai, et il tomba.

Il n’était pas mort tout à fait ; il tordait son corps et secouait ses antennes. J’en eus pitié et, l’ayant pris dans ma main, j’allai le déposer sur le bord de la croisée. Mais le sort en était jeté : la pauvre bête ne dura que quelques secondes, et je me sentis ennuyé et repentant.

— Aussi, pourquoi n’était-il pas bleu ? me dis-je.

Et cette réflexion, l’une des plus profondes qui aient été faites depuis l’invention des papillons, me consola de ma méchante action, et me réconcilia avec moi-même. Je contemplai le cadavre avec quelque sympathie, je l’avoue. Je vis, en pensée, le papillon sortir du bois, content et repu ; la matinée était belle, et il était venu jusque chez moi, papillonnant sous la vaste coupole du ciel bleu, toujours bleu, pour toutes les ailes. Ma fenêtre est ouverte, il entre et me trouve. Je suppose qu’il n’a jamais vu