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seule fois nous effleurâmes ce sujet, quand mon père fit tomber la conversation sur la Régence, et m’annonça qu’il avait reçu les condoléances de l’un des régents. Il avait la lettre sur lui ; elle était même passablement chiffonnée, sans doute à force d’avoir été montrée à des tiers. Je crois avoir dit qu’il s’agissait de l’un des régents. Il me la lut deux fois de suite.

— Je suis déjà allé le remercier de cette preuve de considération, me dit-il, et mon opinion est que tu dois y aller aussi…

— Moi ?

— Toi. C’est un homme considérable qui remplace aujourd’hui l’empereur. D’ailleurs, j’ai une idée, un projet, ou… il faut tout dire, deux projets : il s’agit d’un fauteuil de député et d’un mariage.

Mon père me dit tout cela avec quelque emphase, en donnant à ses paroles une certaine allure qui avait pour but de me les graver plus profondément dans l’esprit. La proposition combinait si mal avec mes sensations antérieures que tout d’abord je ne compris pas très bien. Mon père ne se découragea pas et répéta : « le fauteuil et la fiancée ».