Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hantaient son esprit. Son cœur s’était serré en souhaitant au revoir à tous les membres de l’expédition et en tendant son front au baiser de son père. Ce baiser y avait laissé comme une empreinte de deuil. Mille pensées torturantes naissaient à chaque instant, faisant surgir devant ses yeux d’effroyables images. La région désolée qu’on traversait n’était pas faite pour égayer les regards, malgré la présence du soleil qui rayonnait sans fin au-dessus de l’horizon. Le solstice passé, il avait paru à la jeune fille que l’on retombait dans l’hiver et ses nuits éternelles, tant son âme s’était faite sombre. Elle avait essayé de combattre avec énergie ces fâcheuses dispositions.

Le piano, qui avait repris sa place dans le salon, fut son premier consolateur. Elle s’adonna à la musique, autant pour se consoler elle-même que pour rasséréner un peu les fronts de ses compagnons, lentement gagnés, eux aussi, par la mélancolie de ces zones mortelles.

Car c’était une vaillante fille qu’Isabelle, et autant qu’elle put ressentir les effets de ce séjour attristant, elle ne voulait pas que la vue de ses propres peines apportât ou accrût le découragement parmi ceux qui l’entouraient. Au nombre de ceux-ci en effet, était un être qui était particulièrement cher, sa nourrice, Tina Le Floc’h, dont la santé atteinte lui inspirait les plus vives inquiétudes.

Mais la musique devint bientôt impuissante. Elle lui fut presque une fatigue, et Isabelle ne posa plus ses doigts sur son clavier que pour distraire ses compagnons de route.

Alors elle essaya de se livrer à des occupations plus futiles. La lecture ne lui apporta qu’un demi-répit. Elle eût voulu de l’activité qui lui permît de tromper par le mouvement la lassi-