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APPENDICE A

De Nicolaï, profondément religieux, luthérien croyant, mit à profit ses loisirs forcés au pied du Caucase pour approfondir des questions qui depuis longtemps le préoccupaient. Le luthérianisme laissait à son esprit des problèmes sans solution ; tout en restant encore attaché à cette confession, il n’arrivait point à y voir la logique divine, l’enchaînement supérieur qu’il voulait avec raison trouver dans l’œuvre du Christ, dominant et déjouant les passions et les petitesses humaines. Parmi les livres qu’il fit alors venir de Paris, se trouvaient des extraits des œuvres de Fénelon et les études philosophiques de Nicolas. En les lisant, il commença à aimer l’Église, à admirer sa constitution et ses œuvres. L’explication catholique du baptême venait apaiser la profonde douleur qu’il avait éprouvée en voyant tomber à ses côtés son meilleur ami, encore musulman, mais grâce à lui, grâce à ses enseignements, amené déjà au seuil du christianisme.

De Nicolaï voulait à tout prix sortir de ses doutes ; après avoir repris son service pendant quelque temps, il demande un congé et vient en France, où il se met en rapport avec Mgr Dupanloup et d’autres encore. Après de longues conférences, de consciencieuses discussions, il trouve enfin dans l’Église catholique cette fermeté des dogmes, cet enchaînement des doctrines, cette suprême adaptation aux besoins de toutes les âmes, dont il faisait à bon droit une pierre de touche, et en juin 1858 il embrassait le catholicisme.

Cette démarche dictée par sa conscience eut exposé de Nicolaï à la disgrâce impériale, si son mérite n’eût triomphé. Alexandre II le nomma bientôt son aide de camp, et plus tard lui confia le gouvernement du Caucase ; depuis longtemps il était décoré des ordres de sainte Anne, de saint Wladimir et de saint Georges.

À cette époque où s’ouvrait à ses yeux le plus brillant avenir, le général de Nicolaï méditait déjà d’aller ensevelir son nom et sa gloire sous les cloîtres de la grande Chartreuse. Pendant dix années, il mûrit son projet : au moment de l’exécuter en 1867, il est encore rappelé pour une année entière dans son gouvernement du Caucase. Enfin, le 8 septembre 1868, il entrait à la Chartreuse.

Alexandre II, pour lui marquer son estime, ne voulut, dit-on, jamais accepter sa démission ; il lui accordait seulement « un congé illimité ». À l’ordre du jour de l’armée, le grand-duc Michel proclamait que le général de Nicolaï emportait dans sa retraite, avec l’estime de l’Empereur, le regret de ses chefs et de ses soldats.

De Nicolaï était de ceux qui jugent les choses de Dieu assez hautes