Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/694

Cette page a été validée par deux contributeurs.
568
RÉSUMÉ DE L’HISTOIRE ANCIENNE

appris, il savait tout, hormis toutefois ce qu’il fallait savoir pour écrire l’Histoire ancienne de l’Arménie ; il ne vit point les Annales des rois d’Assyrie, et puis, les eut-il vues qu’elles eussent été lettre close pour lui, comme le furent les Inscriptions vanniques. Il ne recueillit guère que des fables où l’esprit le plus exercé a de la peine à reconnaître de loin en loin quelque lambeau d’histoire.

Il est vrai qu’une des sources principales de Moïse, certain Mar Apas Catina, Syrien d’origine, homme, dit-il, profond et très versé dans les lettres grecques et chaldéennes, avait obtenu du roi parthe Arschag (Mithridate Ier, 171–138) la permission de consulter les Archives de Ninive ; et là il trouva (env. 150 av. J.-Chr.) un livre en caractères grecs qui portait la suscription suivante : « Ce livre fut, par l’ordre d’Alexandre de Macédoine, traduit du chaldéen en grec ; il contient l’histoire des anciens, des ancêtres. » Mais qu’est-ce que ces Archives de Ninive ? À l’époque de Mar Apas Catina les archives de Ninive dormaient depuis quatre cents ans déjà sous les ruines des palais d’Assurbanipal. Elles sont aujourd’hui au Musée britannique et jusqu’ici les assyriologues n’y ont rien trouvé qui confirme les récits invraisemblables du savant Syrien.

Quant aux inscriptions des rois d’Arménie, Moïse de Khorène ne les a pas ignorées ; il les a même vues sans aucun doute ; mais, comme nous l’avons déjà dit, elles furent lettre close pour lui : bien plus il les attribue à une étrangère, la légendaire Sémiramis, reine d’Assyrie, tandis qu’il flétrit « d’un souvenir de blâme la conduite nullement philosophique » de ses premiers ancêtres. « Évidente à tous, dit-il, est l’insouciance de nos rois, et autres ancêtres, pour la sagesse ; évidente est l’imperfection de leur intelligence, de leur raison, car quoique nous ne soyons qu’une nation très peu nombreuse, resserrée dans d’étroites limites, notre pays n’en a pas moins été le théâtre de mille actions de valeur. Et pas un de nos rois n’a pris soin de les enregistrer !… autrefois, comme aujourd’hui, les Arméniens avaient de l’antipathie pour la sagesse et les chants rationnels » (Moïse de Khorène, Livre i, 3).

Les pages suivantes sont en grande partie extraites du Premier Livre de Moïse de Khorène, d’après la traduction qu’en a donné Victor Langlois dans sa Collection des Historiens anciens et modernes de l’Arménie[1] (Paris 1867–1869). Nous avons, autant que possible, suivi

  1. Nous renvoyons à cet ouvrage les lecteurs qui voudraient avoir plus de détails.