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DE BAGHDAD AU GOLFE PERSIQUE, ETC.

silence de ces rives désertes cette scène bruyante devient un épisode charmant.

Voici enfin Amara : quelques jardins ; des arbrisseaux et des palmiers se reflétant dans le fleuve, uni comme un lac ; quelques bateaux, quelques maisons à demi-perdues dans la brume du soir.

Amara est une ville de création toute récente. Il y a une trentaine d’années, les Arabes Moûntefiks avaient subjugué les Maadans qui habitaient le pays d’Amara ; un Maadan, Feyssal, presqu’un homme de génie, releva sa tribu, repoussa les Moûntefiks et tint même tête aux Turcs. Mais il mourut jeune, sans successeur digne de lui. Les Turcs en profitèrent pour s’emparer du pays ; ils établirent le poste d’Amara autour duquel se construisit bientôt une petite ville. Elle est située à l’embouchure d’une rivière assez importante, mais dont le cours est presque entièrement inconnu ; on dit qu’elle prend sa source aux environs de Schouschter.

À l’arrivée du bateau, les habitants se ruent littéralement sur les passerelles, se bousculant, se flanquant mutuellement à l’eau ; c’est à qui arrivera le premier pour venir offrir, qui un poulet, qui des légumes ; d’autres bousculent pour le plaisir de bousculer, car une fois sur le bateau, ils ne font qu’y flâner.

Amara compte une quarantaine de familles catholiques ; elles sont sans église et sans prêtre. Le P. Marie-Joseph avait acheté un terrain pour y construire une chapelle et avait obtenu le firman indispensable ; mais, grâce à la sourde hostilité des Musulmans, il n’a pu, jusqu’ici, mettre la main à l’œuvre. Ayant, je ne sais comment, été informés de notre présence à bord, les notables chrétiens viennent nous saluer.

Au-dessous d’Amara commence une région extrêmement marécageuse, territoire des Arabes Abou-Mohammed. Ce sont de fort pauvres gens, à peu près sédentaires et cultivateurs ; l’humidité de leur territoire ne leur permet guère que la culture du