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CHAPITRE XXV

On me donna encore mille explications auxquelles je n’ai compris goutte.

Il s’agit maintenant pour nous de prendre le chemin le plus direct pour rentrer en Europe.

Théoriquement nous avons le choix entre trois routes : nous pouvons regagner Môsoul et de là, par Diarbekr et Halep, aboutir à Alexandrette ; mais en plein hiver, ce voyage est à peine possible. Gagner directement Damas par le désert, n’est pas davantage faisable en cette saison ; aucune caravane ne partira, d’ici longtemps ; et comme les Arabes sont « en froid » avec le gouvernement, des voyageurs isolés seraient exposés à de grands dangers. Il ne nous reste donc qu’une chose à faire : gagner Bassorah et là nous embarquer sur un paquebot anglais qui touchera aux Indes et nous mènera à Suez ; outre la sécurité, nous avons encore l’avantage de gagner du temps.

Mais il faut alors nous séparer de Guégou. Ce brave bandit est devenu notre meilleur ami, et c’est le cœur gros que nous lui disons adieu. Nous récompensons très largement ses services ; quand après un long voyage à travers le Kurdistan perse, il aura regagné son pays, puisse-t-il y faire longtemps figure comme Agha de Tcharra[1] !

Mais Guégou en vrai brigand est dépensier et se défie de lui ; il nous demande de faire tenir directement son argent aux missionnaires de Khosrâva, craignant de n’en pas rapporter une piastre, s’il l’empoche aujourd’hui. Nous nous procurons aussitôt une traite sur Tebriz et expliquons à notre brigand comme quoi, confiée à la poste, elle arrivera à Khosrâva bien avant lui. Mais ici se place un incident typique. Nous montrons la traite à Guégou ; à peine l’a-t-il prise en mains, voici sa figure qui s’allonge — il balbutie des paroles inintelligibles d’où ressort cependant une chose : il n’est pas

  1. Au moment de livrer cet ouvrage à l’impression, j’apprends que notre pauvre Guégou, usé avant l’âge par toutes ses expéditions aventureuses, a succombé dans les premiers jours de 1891.