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CHAPITRE XXI

geurs européens qui pénétrèrent dans ces pays durant le moyen âge, Plan-Carpin, Rubruquis, Marco Polo, et quelques religieux, réussirent à établir un commencement d’union entre les Nestoriens et Rome. Le Catholicos Jaballahah III envoie sa profession de foi au Pape (1304). Mais vers cette époque s’introduisit dans l’Église nestorienne l’abus qui devait lui être le plus fatal. La dignité patriarcale devint héréditaire, se transmettant d’oncle à neveu, tombant ainsi souvent en partage à des enfants ou à des indignes[1]. En 1551 les Chaldéens voulurent réagir contre cet abus ; ils élurent un Patriarche et l’envoyèrent se faire sacrer à Rome. L’élu, Jean Soulaka, fut bientôt assassiné par ses adversaires ; ses successeurs, d’abord fidèles à l’union, retombèrent ensuite dans le schisme et l’un d’eux rétablit l’hérédité. C’est à sa famille qu’appartient encore Mar Schimoûn, le Patriarche des Nestoriens qui réside à Kotchannès près de Djoulamérik dans la vallée du Zab.

Cependant Rome ne cessait d’entretenir des relations avec la Chaldée ; mais ses efforts ne furent pas toujours couronnés de succès et l’on se trouva bientôt en face de plusieurs séries de Patriarches tantôt unis, tantôt schismatiques. À la fin du siècle dernier trois séries étaient en présence ; l’une représentée par le Patriarche de Djoulamérik, franchement nestorienne — elle sub-

  1. C’est sans doute à cette époque que les Patriarches répandirent à leur profit une légende qui, toute absurde qu’elle soit, n’est pas sans intérêt au point de vue catholique.

    Saint Pierre, dans sa 1re Épître (v, 13), dit : « Salutat vos Ecclesia quæ est in Babylone coelecta. » Cette Babylone, ici comme dans l’Apocalypse, en tant qu’elle désigne une ville, a toujours été prise pour Rome. De la vieille Babylone au demeurant, il ne restait du temps de saint Pierre que des buttes de terre. Les Nestoriens, s’emparant de ce texte, l’interprétèrent de la façon suivante : Saint Pierre ayant été marié, sa famille, restée d’abord à Jérusalem, en fut chassée par la persécution ; elle se réfugia à Babylone, c’est-à-dire à Baghdad. Depuis lors on choisit toujours le Patriarche chaldéen dans son sein, par vénération pour saint Pierre, de sorte que Mar-Schimoûn est un descendant direct de saint Pierre par le sang. Si l’église patriarcale est bâtie sur un rocher, c’est pour rappeler la promesse de notre Seigneur : « Super hanc petram ædificato Ecclesiam meam » Cette légende comme on le voit venait à point pour consacrer l’hérédité patriarcale, cette institution si contraire à toute tradition chrétienne !