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CHAPITRE XX

formation d’une véritable nation kurde. Chaque tribu jalouse sa voisine, et si un clan plus puissant réussit à exercer son influence sur quelques autres clans, cette confédération est toujours précaire ; elle ne se forme et ne se dissout guère qu’à la suite de guerres intestines. Aussi bien l’impuissance radicale du gouvernement turc explique-t-elle seule la grande indépendance que gardent encore bon nombre de ces tribus.

La classification des tribus kurdes est fort incertaine, leur nom même n’est pas toujours fixe ; il suffit parfois qu’un chef s’acquière un renom particulier pour que son nom passe à la tribu, d’où résultent de grandes confusions. Des missionnaires qui ont longtemps séjourné dans le pays, ont tenté cette classification. Le P. Garzoni divisait les Kurdes en cinq grandes branches :

1o  Kurdes de Bitlis (Bitlisi) ;
2o  Kurdes» de Djézireh (Boghtân) ;
3o  Kurdes» d’Ahmadiah (Bahdinan) ;
4o  Kurdes» Djoulamérik (Schamto, Hakkiari) ;
5o  Kurdes» de Karak’olan (Suleimanieh, Sorân)[1].

Les expéditions militaires des Turcs dans le Kurdistan de 1820 à 1840 semblent avoir brisé la puissance kurde comme puissance envahissante ; mais dans les limites du domaine géographique que j’ai indiqué, petites guerres et razzias se font encore à la barbe du Sultan. La Turquie a ébauché la soumission des Kurdes ; mais elle n’a pas eu l’énergie de l’achever.


19 Décembre
Départ 6 h. 30 matin.

La tempête s’est calmée pendant la nuit et, aidés par une bise fraîche, nous pouvons démarrer au lever du jour. Le soleil irise délicieusement de ses premières teintes les sommets neigeux du Djoudi-Dagh. Ces montagnes, à peu près inconnues des Européens, sont vénérées par les gens du pays qui y localisent les souvenirs bibliques du déluge ; un de leurs sommets, le Nizir, fait concurrence à l’Ararat.

Deux heures après avoir quitté Roubahi, nous passons au

  1. Ritter’s Erdkunde, ix, 630.